Edito du biopresse

La préparation du Plan français « Ambition Bio 2017 » avance. Les régions ont fait remonter les résultats des Assises régionales et des groupes de travail, et un premier dépouillement a eu lieu au ministère de l’Agriculture. Parallèlement, des réunions thématiques nationales ont également été organisées en début d’année. Le Plan final de développement de l’agriculture biologique devrait être présenté par le ministre de l’Agriculture en juin 2013.


Par ailleurs, le RMT DevAB (réseau mixte technologique pour le développement de l’agriculture biologique) a exposé les résultats de ses travaux 2011-2012, à Paris, le 5 avril. Trois chantiers ont occupé les membres de ce réseau sur cette période : veille scientifique et technique en AB ; Formation ; Agriculture biologique, environnement et développement local.


ABioDoc a participé aux travaux concernant le premier thème, sur la veille et la diffusion de l’information et des connaissances en AB, aux côtés de l’APCA, l’ACTA, l’ITAB, l’INRA, IBB et l’ISARA-Lyon. Un stage de fin d’études, cofinancé par l’INRA et par le RMT DevAB, a permis de réaliser un état des lieux des différents services d’information existant dans les organismes représentés dans le groupe de travail et une enquête en ligne a été mise en place, à destination d’un grand nombre d’acteurs, issus du réseau AB principalement et usagers de l’information. 500 réponses exploitables ont été reçues, provenant des secteurs de la recherche, formation, développement et production pour la majorité. Près de 75 % des répondants qualifient d’important leur besoin d’information sur l’AB et affirment que celle-ci est insuffisante. Une importance égale est accordée aux ressources documentaires formelles (support formalisé) et à l’information informelle (colloques, groupes d’échanges, bouche à oreille…). Par ailleurs, les résultats de l’enquête mettent en avant un besoin de mieux maîtriser l’information en ligne et une méconnaissance des outils d’information actuels. Un besoin de communication sur les outils existants est ressorti des discussions, ainsi qu’une volonté de centralisation des ressources d’information. Le groupe de travail a ainsi pour projet de créer un portail d’information sur les ressources, afin de connecter les outils, les ressources et les services existants dans un même lieu sur Internet.


Face aux résultats de cette enquête, ABioDoc a décidé d’amplifier la connaissance des informations liées à l’agriculture biologique par la mise en place d’une diffusion gratuite du Biopresse en format pdf, revue bibliographique qui permet de s’informer chaque mois sur l’actualité documentaire de l’agriculture biologique.


L’abonnement au Biopresse s’effectue après une préinscription sur le site www.abiodoc.com et le renseignement du profil de la personne. N’hésitez pas à transmettre l’information autour de vous, pour les personnes spécialisées en bio ou non, afin de nous aider à ce que les connaissances existant sur l’agriculture biologique soient diffusées au maximum !

Sophie Valleix
Responsable d’ABioDoc


Numéro 187 - Mars 2013


L’agriculture biologique se porte bien, malgré un ralentissement net de la croissance en France (moins de conversions et augmentation de la consommation réduite par rapport aux années précédentes). Le salon Biofach de Nuremberg, qui s’est tenu en Allemagne mi-février, a enregistré 41 794 visiteurs, soit près de 1 500 visiteurs de plus qu’en 2012 (site Biofach). Les entreprises rivalisent d’ingéniosité pour se démarquer et un espace du salon était réservé aux innovations. Ces dernières concernent de nouveaux produits (dans leur composition ou leur présentation), ainsi que des présentations originales (packaging surprenant…). Les entreprises françaises présentes sur place maintiennent leurs projets de développement de produits biologiques, en France comme à l’étranger, tout en recherchant à développer un approvisionnement de proximité. Selon le produit, la proximité peut se décliner du département à l’échelle nationale, voire de l’Europe. L’objectif étant sans doute de répondre à la demande des consommateurs, mais aussi de sécuriser la filière et parfois de s’inscrire dans une démarche de territoire. Si la newsletter Bio-Marché.Info regrettait l’absence d’hommes politiques lors de l’ouverture de ce salon Biofach, tels que la Ministre de l’Agriculture allemande Ilse Aigner ou le Commissaire Européen Dacian Ciolos, les politiques ont en revanche été bien présents sur le stand de l’Agence Bio lors du Salon international de l’agriculture, qui s’est tenu à Paris une semaine après le salon de Nuremberg. Le Président François Hollande est ainsi venu sur le stand le 23 février. Stéphane Le Foll est passé à deux reprises, avec le premier ministre Jean-Marc Ayrault et ensuite avec Benoit Hamon, le ministre délégué en charge de l’Économie sociale et solidaire, afin de signer une convention sur les contrats d’avenir avec la FNAB. Delphine Batho, ministre de l’Écologie est également passée, ainsi que Corinne Lepage, Jean-Luc Mélenchon, Ségolène Royal, Danielle Auroi… Contrairement à 2011 où les personnalités politiques devaient parfois être accostées lors de leur passage à proximité du stand, ces dernières semblent venir discuter beaucoup plus volontiers sur le stand en 2013. Stéphane Le Foll a par ailleurs également ouvert le séminaire international de l’Agence Bio du jeudi 28 février. Néanmoins, ce séminaire a, de mon point de vue, peu porté sur l’action politique (témoignage de Joao nofre, Chef de l’Unité AB à la Commission européenne, avec la révision du règlement européen sur l’AB notamment), mais s’est plus attaché aux actions et aux fondamentaux de l’agriculture biologique. Nadia El-Hagge Scialabba, responsable du programme agriculture biologique à la FAO, a présenté les actions de la FAO dans le domaine de la bio ainsi que de nombreuses initiatives d’introduction ou de développement de l’AB et de ses techniques dans le monde. Sont ensuite intervenus les représentants des « pionniers de la bio », suivis par le témoignage d’un agriculteur retraité et de son petit fils, qui démarre la troisième génération de paysans bio sur la ferme familiale. Les intervenants suivants ont parlé de confiance (capital de l’avenir de la bio), de la société (action des jeunes avec le Young Food movement, des coopératives d’agriculteurs ou de consommateurs, de l’importance du lien entre le mouvement bio et la société…), etc. Dominique Marion, président de la FNAB, a pris la parole pour rappeler la place de l’agriculture biologique dans l’économie sociale et solidaire, les producteurs bio étant, pour lui, également acteurs d’une transition sociale. L’innovation sociale dans l’agriculture peut en effet être le levain d’un changement de société même s’il n’est pas à lui seul suffisant. Dans cette vision, les paysans et acteurs de la bio ont un rôle, mais ils doivent cependant s’efforcer de trouver des partenaires pour élargir le cercle de ceux qui agissent vers ce changement.

Sophie Valleix
Responsable d’ABioDoc

Numéro 186 - Février 2013


Créée en 2004 sous le nom de l’AsAFI (Association des adhérents français d’IFOAM), l’association a obtenu sa reconnaissance en tant que groupe IFOAM à part entière en 2012, IFOAM (monde) étant la Fédération internationale des mouvements d’agriculture biologique. Sept groupes régionaux existent actuellement, dont seulement deux groupes nationaux, le Japon et maintenant la France.


IFOAM France rassemble de nombreuses composantes de la bio française, avec des représentants des producteurs, des transformateurs, des organismes de contrôle, de la recherche, de la formation et de la documentation, des associations multi-professionnelles, des associations gestionnaires de marques privées regroupant notamment des consommateurs et des producteurs…


IFOAM France est aussi membre du groupe régional IFOAM Europe qui joue un rôle de groupe de pression auprès de la Commission européenne pour que les principes et les intérêts de l’agriculture biologique soient pris en compte dans les décisions de la Commission et dans ses choix réglementaires, ceux directement liés à la bio (évolution des règlements bio européens) ou ceux ayant un impact sur la bio (dossier PAC par exemple). Cette présence est importante pour faire entendre sa voix face à d’autres groupes de pression. Néanmoins, le chemin est parfois semé d’embûches pour les défenseurs de la bio, avec des dossiers qui ne débouchent pas ou pas de la façon espérée. De plus, sur certains points, les divergences sont fortes entre pays, relatives notamment aux différentes visions de l’agriculture biologique. Concernant le dossier des serres par exemple, les pays du Nord estiment qu’ils doivent pouvoir chauffer leurs serres afin d’être en mesure de fournir à leurs concitoyens des légumes locaux en quantité suffisante. Sur ce plan là, les pays du Sud, dont la France, estiment que ce n’est pas écologique de chauffer des serres. Comme le montre cet exemple, un simple aspect technique ne peut pas être étudié séparément, sans prendre en compte les aspects du transport, des émissions de gaz à effet de serre, des demandes des consommateurs, des aspects économiques, écologiques et sociaux en général… D’où l’intérêt de disposer d’instances de concertation aux différentes échelles géographiques, France, Europe, Monde.
Néanmoins, lors de leur assemblée générale du 28 janvier 2013, les membres présents ont souligné l’importance de mettre plus en avant les fondamentaux de l’agriculture biologique (en tant qu’alternative agricole et projet de société) : « Si les fondements s’écroulent, la bio s’écroule ! » a déclaré l’un des membres. À l’échelle mondiale, IFOAM est plus impliquée dans cette défense des fondamentaux, dans la définition de ceux-ci dans notre monde en évolution et dans leur respect par ses membres. Les membres d’IFOAM France réfléchissent également à accueillir plus de représentants de la société civile dans leur association (organisation de consommateurs, etc.). Et pour financer le travail, pourquoi ne pas instaurer un système de 1% pour la bio, sur le même principe que le 1% pour la planète qui existe déjà ? Voilà une belle perspective pour démarrer l’année 2013 !


Bonne et heureuse année à tous !


Sophie Valleix
Responsable d’ABioDoc et secrétaire d’IFOAM France

Numéro 185 - Janvier 2013


« Le changement est une question de pédagogie et en l’occurrence de persuasion, d’entraînement par un enthousiasme convaincant. » « L’entreprise est une association d’hommes qui créent ensemble de la valeur, pas seulement pour eux mais pour la société. Cette vision humaniste […] implique un management humain respectueux de la dignité de chacun et condition de cette créativité indispensable pour le développement. » Je n’ai pas lu ces écrits dans une des nombreuses revues que nous dépouillons à ABioDoc, en lien avec l’agrobiologie, l’environnement ou l’écologie, mais je les ai trouvés par hasard dans une revue intitulée « Jeune dirigeant » et destinée à de jeunes chefs d’entreprise. Agréablement surprise par la mise en avant de valeurs humanistes dans un milieu où on les pense souvent réduites, il me semble que, de plus en plus, parallèlement aux influences qui poussent à toujours plus de matérialisme, de gains financiers aux dépens des personnes, un autre mouvement est à l’oeuvre, auquel participent un nombre croissant de gens de tous milieux et de toutes professions. L’homme doit revenir au centre des préoccupations, et non pas en tant que centre du monde, mais comme élément de l’ensemble.
L’allusion à la fin d’un grand cycle maya de 5200 ans ne conduit pas à la fin du monde, comme l’ont expliqué des chercheurs du CNRS, mais mentionne le retour d’une divinité « qui remet le temps en marche » (La Montagne – 18-12-12). Au cours de ce cycle passé, l’homme est peut-être allé au bout de l’absurdité, en instituant un modèle esclavagiste d’une ampleur sans précédent, puis en créant des armes de plus en plus destructrices ou pernicieuses ; en polluant les sols, l’eau et l’air ; en mettant en danger sa santé et même sa survie, avec des capacités de reproduction en baisse ; en modifiant l’équilibre du climat qui offrait tant de possibilités et de ressources pour répondre aux besoins de la population… Espérons que nous avons touché le fond et que nous allons rebondir en créant une société plus juste, plus respectueuse et plus équitable. Cette vision fait partie des fondamentaux de l’agriculture biologique, au-delà de la simple application des points réglementaires liés au cahier des charges.
Il y a plus de 20 ans, avant mon départ de Côte d’Ivoire, mes collègues m’avaient offert un livre d’or. Dans celui-ci, Michel Kraidy Kissy, le chef d’opération, qui venait de passer un an en formation en France, a notamment écrit « Que ton coeur soit sensible à l’Homme… la seule matière première universelle du développement… ».
Sur ces belles paroles, associée aux autres membres d’ABioDoc et à l’équipe du CETAB+, je vous souhaite à tous de joyeuses fêtes de fin d’année !

Sophie Valleix, Responsable d’ABioDoc

Numéro 184 - Décembre 2012


En septembre dernier, les éditions québécoises Écosociété publiaient un livre « Le jardinier-maraîcher » écrit par un jeune producteur maraîcher du Québec qui raconte comment sa conjointe et lui-même arrivent à vivre d’un revenu agricole généré sur moins d’un hectare cultivé en légumes biologiques diversifiés. Dans son livre, il expose sa vision, ses méthodes de production et des informations sur les légumes qu’il cultive. À la grande surprise de la maison d’édition, le livre a connu un succès étonnant pour ce type d’ouvrage puisque le premier tirage a été épuisé en moins de quatre semaines. Cette situation soulève une question intéressante : comment se peut-il qu’un ouvrage technique qui parle essentiellement de production maraîchère biologique et d’établissement en agriculture écoule 1 500 copies en un mois ? N’est-il pas commun d’entendre que la relève agricole au Québec est pratiquement inexistante? Que l’agriculture n’intéresse plus les jeunes depuis longtemps ? Selon Jean-Martin Fortier, l’auteur du livre, beaucoup de jeunes seraient intéressés pour faire le saut en agriculture, mais se reconnaissent peu dans le modèle de la ferme usine préconisé par certains. Plusieurs jeunes maraîchers aimeraient exploiter des petites (voir micro) fermes diversifiées afin de profiter des nombreux avantages de la multifonctionnalité et de la vie à la campagne. L’histoire des Jardins de la Grelinette (c’est le nom de la ferme en question dans l’ouvrage) semble inspirer bien des gens, car ces producteurs font la démonstration qu’une ferme à échelle humaine peut être à la fois productive et rentable et qu’il n’est pas nécessaire de grossir pour vivre de sa production agricole! Cette entreprise québécoise, qui dessert près de 150 familles en agriculture soutenue par la communauté et qui travaille en agriculture biologique depuis maintenant 10 ans, mise sur la qualité de sa production. Jean-Martin est convaincu que, dans une ère de méfiance grandissante des consommateurs envers les aliments de l’agro-industrie (OGM, pesticides, E. coli, etc.), un nombre toujours plus important de gens font le choix de s’alimenter en produits frais directement en provenance de la ferme et auprès de producteurs en qui ils ont confiance. Dans les faits, le Québec comptait 43 920 exploitants agricoles en 2011, en baisse de 3 % par rapport à 2006. L'âge moyen des agriculteurs québécois est de 51 ans alors qu'il était de 49 ans cinq ans auparavant; bien qu’il soit le plus faible parmi les provinces canadiennes. La proportion qu'occupent les 55 ans et plus a progressé de 32 à 40 % et celle des moins de 35 ans est restée inchangée à 11 %. Ainsi, le taux de renouvellement des générations en agriculture, c'est-à-dire le nombre d'agriculteurs de moins de 35 ans par rapport à ceux de 55 ans et plus, se situe désormais à 27 %. Cela signifie, en quelque sorte, qu'un agriculteur sur quatre est renouvelé au Québec. Au Canada, ce taux était de 17 % en 2011(Source: La financière agricole du Québec). Cependant, il est intéressant de constater que différents modèles d’agriculture alternatifs se développent ici et ailleurs, et surtout que les gens peuvent en vivre. Inspiré par le succès de nombreux petits producteurs bio, comme Jean-Martin et sa conjointe, il est envisageable qu’une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs Québécois cherchera à s’établir à la campagne et à fonder sa famille dans des communautés rurales où la convivialité est mise en valeur…

Louis Rousseau, chargé de projet au CETAB+

Jean-Martin Fortier, Producteur maraîcher aux Jardins de la Grelinette et auteur du livre Le jardinier -maraîcher ; manuel d’agriculture biologique sur petite surface

Numéro 183 - Novembre 2012


Face au nombre important de conversions depuis 2009-2010, les filières bio ont anticipé les arrivées de nouveaux produits, avec parfois un peu de décalage comme dans la filière viande où les animaux à commercialiser sont moins nombreux que prévu. En effet, comme cela a été expliqué lors de la conférence de la Commission bio d’Interbev au Sommet de l’élevage début octobre, les conversions simultanées permettent de vendre le lait en bio sur le marché après 1,5 ans de conversion mais, pour la valorisation en bio de la viande, les animaux doivent avoir passé les ¾ de leur vie sous le mode de production bio, ce qui les exclut actuellement du marché bio. De plus, le marché de la viande se portant bien à l’échelle mondiale, les opérateurs conventionnels incitent parfois les nouveaux éleveurs bio à commercialiser leurs animaux dans la filière des labels plutôt qu’en bio…


Par ailleurs, pour répondre à la demande du marché, les opérateurs organisent aussi la distribution en jouant sur les complémentarités entre zones géographiques. Ainsi, pour les agneaux par exemple, la filière propose de juillet à décembre des agneaux qui proviennent du Nord de la France et, de janvier à juillet, des agneaux issus d’élevages rustiques du sud de la France. Ce type d’organisation n’est cependant pas à l’abri des aléas climatiques ou sanitaires, comme cela a été le cas pour les agneaux en 2007 avec la FCO.


Répondre aux attentes de la société ne consiste cependant pas seulement à répondre au marché. Jusqu’à présent, dans le domaine de la santé et de l’environnement, les produits issus de l’agriculture biologique ont une bonne image auprès des consommateurs. L’arrivée de l’affichage environnemental et des analyses de cycle de vie (ACV) pourrait cependant perturber la lecture de ces derniers. La journée portant sur les ACV, organisée par le RMT DevAB le 15 octobre, a été l’occasion de faire le point sur la question. La loi Grenelle 2 prévoyait un an d’expérimentation, notamment pour la collecte des données, pour aboutir si possible à la mise en place d’un affichage environnemental. Or, l’expérience montre que, avec les ACV, selon les critères mesurés (bilan carbone, eau, biodiversité, emploi…) et les objectifs choisis, il est possible d’aboutir à des conclusions diverses, pouvant peut-être même amener certains consommateurs à penser que des produits bio ne sont pas meilleurs pour l’environnement que d’autres produits du même type… D’où l’importance pour les acteurs de l’agriculture biologique d’être bien présents dans les réunions nationales consacrées à ce sujet, afin que l’agriculture biologique ne soit pas pénalisée par le choix des critères retenus pour l’affichage environnemental officiel. De plus, malgré les difficultés en agriculture bio pour
réunir les données nécessaires aux ACV, il semble important que les opérateurs ne fassent pas l’impasse sur ce sujet au risque d’être confrontés à une concurrence qui jouera dans la même cour qu’eux, celle du respect de l’environnement.


Un autre critère sera sans doute à considérer par les entreprises : il s’agit de la RSE, responsabilité sociétale (ou sociale) des entreprises, qui résulte de demandes de la société civile de mieux prendre en compte les aspects environnementaux ET sociaux (accidents, lutte contre les discriminations, engagements en matière de formation…) des activités des entreprises. Sur le premier point, nous l’avons dit, les produits bio sont plutôt bien placés. Néanmoins, l’aspect social n’est pas clairement identifié dans le cahier des charges européen, ni mesuré en bio. Un responsable de bureau d’étude me confiait la semaine dernière que, pour exporter du vin bio au Canada, le critère social deviendrait
prépondérant pour différencier des vins de différentes provenances, lorsque les critères de qualité, de prix et de respect de l’environnement seront identiques. Les entreprises bio vont donc également devoir s’emparer de cette problématique…


Sophie Valleix, Responsable d’ABioDoc

Numéro 182 - Octobre 2012


Quelles sont les nouvelles de la bio en provenance de l’enseignement agricole ?

ABioDoc, actuellement service de l’Enita Clermont, est directement concerné par la fusion de cette école d’enseignement supérieur et recherche avec l’Ecole nationale vétérinaire de Lyon. La nouvelle entité, qui s’appellera VetAgro Sup, démarrera officiellement le 1er janvier 2010. Ce regroupement a pour objectifs d’améliorer la reconnaissance nationale et internationale des deux écoles ; de permettre des passerelles entre les deux métiers, ingénieur et vétérinaire, tout en favorisant l’émergence de nouveaux métiers ; de maintenir une présence forte dans des projets de recherche et de développement, ainsi que dans l’appui aux entreprises, aussi bien au sein des deux régions qu’au delà. Au 1er janvier 2010, ABioDoc deviendra donc une entité de VetAgro Sup, ce qui ne changera fondamentalement ni les missions, ni les services proposés, ni les relations avec les partenaires, les conventions signées dans le cadre de l’Enita restant valables dans le nouvel établissement.

Et en ce qui concerne les autres établissements ? La réunion du réseau Formabio, qui s’est tenue les 12 et 13 novembre derniers, au lycée de Tulle Naves, a permis de faire le point sur la question. Jean-Marie Morin, animateur du réseau, a présenté la note de service de la DGER du 27 juin 2008 qui stipule que l’agriculture biologique doit être dans tous les référentiels et abordée dans toutes les formations. Dans ce cadre, les équipes pédagogiques conservent leur autonomie. Elles peuvent introduire l’agriculture biologique dans une approche comparative systémique (mais pour des fermes de taille économique comparable), dans une approche des techniques (nombreuses techniques de la bio devenant indispensables à connaître pour les enseignants, telles que le désherbage mécanique) ou dans une approche en gestion, filière et/ou réglementation. La note du 27 juin 2008 indique également qu’il est aussi possible d’orienter sur l’agriculture biologique chacune des formations ou des secteurs existants dans l’enseignement agricole. Les demandes doivent être transmises à la DRAAF, qui donne son accord après consultation du réseau

Formabio. Les conditions recueillies pour accepter la formation sont : un environnement technique, pédagogique et professionnel favorable, des
connaissances ou des expérimentations dans le domaine de l’agriculture biologique, ainsi qu’un plan de formation adéquat. Aujourd’hui, 21 BPREA bio potentiels sont en cours de validation.

Pour les enseignants, des modules de formation sont proposés dans le cadre du Plan national de formation (initiation ou approfondissement), ainsi qu’en région. 12 formations ont déjà eu lieu en région, avec 20 à 30 participants à chaque fois. Néanmoins, avec 7 000 enseignants au total, il reste du travail…

La licence pro bio ABCD (Agriculture Biologique, Conseil et Développement), cohabilitée par l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand et l’Enita Clermont, regroupe en plus 5 établissements techniques et utilise des modalités pédagogiques innovantes (visio-conférences, plateforme
pédagogique d’enseignement à distance…). Ces modalités nécessitent un important travail de conceptualisation sur les sites (visites, rencontres, reprise des notions abordées…), afin de permettre aux apprenants de bien assimiler ce qui est reçu par vision conférence. Alexia Arnaud-Dupont, coordinatrice de cette licence, a expliqué que c’était actuellement la licence la plus complexe qui existe en France. La première promotion a ressemblé 14 stagiaires de la formation continue et 21 étudiants en formation initiale, soit 41 apprenants. La deuxième promotion, 2009- 2010, regroupe 68 apprenants.

Les exploitations des établissements ne sont pas en reste. Une circulaire du ministère précise que chaque région doit disposer d’une exploitation agricole en agriculture biologique ou qu’un atelier bio doit être présent dans chacun des établissements. Nathalie Arrojo, chargée de mission du système national d'appui à l'enseignement agricole - Bergerie nationale, a indiqué qu’en 2007, 4,9% des surfaces des lycées agricoles étaient en bio, tandis que de nombreux projets voient le jour pour 2009-2010. En route pour les 6% en 2012 et 20% en 2020, voire plus, car il faut bien montrer l’exemple !

Sophie VALLEIX, Responsable d'ABioDoc

Numéro 150 – Novembre 2009


Le Sommet de Copenhague est terminé. Malgré une conclusion plutôt décevante, il aura été tout de même l’occasion de parler du changement climatique dans les médias, de rappeler au monde l’urgence d’agir et l’impact important de nos modes de vie occidentaux comparés à ceux de la majorité des habitants de la planète. Les modifications nécessaires pour limiter l’impact de nos activités sont l’affaire de tous, remettent en cause nombre de nos habitudes et peuvent toucher durement les activités de certains puissants. Ce n’est donc pas un hasard si le Sommet de Copenhague a démarré sur fond de polémique concernant les chiffres du changement climatique…

Comme nous l’avions constaté lors du colloque international « Agriculture biologique et changement climatique » que nous avons organisé en avril dernier avec l’Enita et l’Asafi, l’agriculture biologique (avec la non utilisation d’engrais azotés de synthèse, la richesse des sols en carbone…) et le mode de consommation courant des produits bio (moins de protéines animales, plus de produits de saison…) sont intéressants pour limiter les émissions de gaz à effet de serre. Néanmoins, certaines personnes plutôt hostiles à la bio risquent d’omettre ces aspects positifs et de mettre en avant les points moins intéressants de l’AB  : émissions de GES supérieures ou égales ramenées à l’unité de produit, consommation de produits bio importés de l’autre bout du monde ou distribués en très petites quantités (entraînant des émissions de GES importantes dans les transports), etc. Or, il est important de prendre en compte l’ensemble des aménités positives de l’agriculture biologique, sur l’environnement, la biodiversité, l’emploi, les territoires… Les acteurs de la bio doivent rester vigilants, ne pas laisser enfermer l’agriculture biologique dans un seul critère, et ne pas la laisser dénigrer sur ce qui est certes à améliorer dans la bio actuellement (importation de loin de produits susceptibles de pousser en France ou dans les pays voisins ; suremballage des fruits et légumes dans certains magasins…). Il faut au contraire rappeler en permanence que l’augmentation de la production permettra d’améliorer la disponibilité en produits bio et de rationnaliser la collecte et la distribution. Il faut rappeler que la recherche doit se poursuivre, tant dans l’amélioration des conduites techniques au regard des attentes de la société que dans l’organisation des filières. Vu les crises qui existent en agriculture conventionnelle dans le porc, le lait… et les prix pratiqués qui ne permettent parfois plus aux producteurs de sortir un salaire, il est vraiment important de tenter, par le biais de l’agriculture biologique, de faire changer en profondeur les mécanismes et les relations qui régissent les filières des produits agroalimentaires. Ce sera un souhait pour la nouvelle année…

Sophie VALLEIX, Responsable d'ABioDoc

Numéro 151 – Décembre 2009


2009 : Année de la biodiversité. L’autre jour, j’entendais à la radio Jean-Marie Pelt parler de ce thème. En moyenne, les espèces durent de 5 à 10 millions d’années. Certaines restent sur terre beaucoup plus longtemps, comme le coelacanthe qui fréquente les eaux terrestres depuis 350 millions d’années. L’Homo sapiens existe depuis seulement environ 200 000 ans, un petit nouveau. Mais l’espèce humaine a ceci de particulier qu’elle est capable de créer les conditions de sa propre destruction ! Et elle y travaille… Or, comme l’écrit Edgar Morin dans un article de janvier paru dans Le Monde « Quand un système est incapable de traiter ses problèmes vitaux, il se dégrade, se désintègre ou alors il est capable de susciter un meta-système à même de traiter ses problèmes : il se métamorphose. » Comme la chenille se transforme en papillon, la société humaine peut se transformer tout en conservant son héritage, et celui de chacune de ses cultures. «Tout commence, toujours, par une innovation, un nouveau message déviant, marginal, modeste, souvent invisible aux contemporains.» « Il existe déjà, sur tous les continents, un bouillonnement créatif, une multitude d’initiatives locales, dans le sens de la régénération économique, ou sociale, ou politique, ou cognitive, ou éducationnelle, ou éthique, ou de la réforme de la vie ». Ce bouillonnement que décrit Edgar Morin, nous avons parfois l’impression de le percevoir à ABioDoc, lorsque nous capitalisons toutes les initiatives que les acteurs des agricultures biologique ou écologique mettent en place de part le monde, quand nous voyons ce qui se fait déjà et à tous les niveaux (jardins traditionnels pleinement efficaces pour fournir des aliments en respectant le milieu, micro crédits permettant le démarrage d’activités économiques en zones difficiles, organisation d’un système laitier canadien adapté à la demande et rémunérateur pour les producteurs, mise à disposition de foncier pour des agriculteurs biologiques…). Dans le même temps, les informations sont légions, qui montrent les atteintes à l’environnement (perte de biodiversité, artificialisation des sols cultivés, pollution…), les drames humains, ainsi que les forces qui s’opposent aux initiatives d’alerte ou de modifications du système actuel.

Or, si la métamorphose est complexe, source de déstabilisation et de remise en cause, le monde auquel nous aspirons nous paraît préférable au précédent. L’agriculture biologique, telle qu’elle est actuellement, dans ses principes et dans son éthique, me semble un élément de cette métamorphose.

Que 2010 soit un petit pas vers cette métamorphose douce et porteuse d’espoir de notre système humain.

Sophie VALLEIX, Responsable d'ABioDoc

Numéro 152 – Janvier 2010


De nombreux articles, dans la presse, traitent de la filière lait. Cette thématique est également présente dans plusieurs notices de ce numéro de Biopresse. En élevage conventionnel, ce sont la disparition annoncée des quotas et la crise du lait qui sont passées par là. Epargnés par les prix du lait catastrophiques qu’ont connu leurs homologues conventionnels, les agriculteurs biologiques ne sont cependant pas rassurés pour autant sur l’avenir. Les conversions dans ce domaine se sont développées ces deux dernières années, ce qui est une très bonne nouvelle, mais certaines laiteries préfèrent maintenant suspendre la prime à la conversion car elles ont déjà atteint leurs prévisions de développement pour les 3-4 ans à venir (réf. 153-100, p. 23 de ce Biopresse). Pour participer à la structuration de la filière lait, des producteurs bio d’Ille-et-Vilaine s’organisent pour rencontrer collectivement les collecteurs et transformateurs de lait bio. Par ce biais, ils souhaitent soutenir une stratégie de développement d’une gestion partenariale de la filière lait à l’échelle nationale (réf : 153-099, p. 19 de ce Biopresse). Par ailleurs, le mouvement de contractualisation, actuellement en cours, inquiète certains producteurs qui craignent que celui-ci ne s’apparente à de l’intégration et à un système pas forcément équitable pour les éleveurs (réf : 153-154, p. 20 de ce Biopresse).

Dans ce contexte, beaucoup regardent vers le Canada où, pendant la crise française, une rémunération de 457 € par tonne de lait était versée aux producteurs, avec un système de revenus stables et sans le concours de subventions (réf. 153-062, p. 36 de ce Biopresse). Quelle est donc cette organisation particulière ? Au Canada, les responsabilités sont partagées. Le Gouvernement fédéral définit la politique laitière, limite les importations de produits laitiers, fixe le quota global du lait en fonction de la demande intérieure et son partage entre chaque province. Il détermine aussi un prix objectif du lait, notamment sur la base d’enquêtes, sans référence au prix mondial. Les quotas individuels relèvent ensuite de chacune des provinces. Les prix à la production sont fixés également par province, après une négociation entre le syndicalisme agricole et les industriels, sur la base du prix objectif fédéral (réf. 153-152, p. 36 de ce Biopresse). Une comparaison, par un économiste québécois, de différents systèmes de régulation en vigueur dans les pays développés, montre que le système canadien semble plus intéressant pour le producteur, pour le consommateur et pour le citoyen que les systèmes plus libéraux (réf 153-151, p. 36 de ce Biopresse).

Aussi, que peut-on tirer de l’expérience canadienne pour notre contexte européen ? Dans un premier temps, il faut souligner l’organisation des producteurs, maillon important du système. Un article de février 2010 (réf 153-153, p. 21 de ce Biopresse) constate que les producteurs canadiens, réunis dans un syndicat unique, maîtrisent l’ensemble du système. Cependant, il faut aussi rappeler l’implication importante du Gouvernement, qui supervise et organise le système, qui arbitre les éventuels conflits et qui limite les importations. Ce dernier point est essentiel. Il est d’autant plus critique que le Canada, très protecteur sur sa filière laitière, prend parfois des positions nettement plus libérales sur d’autres filières. Ainsi, cette protection pourrait être remise en cause dans les futures négociations en cours à l’OMC. Quand donc le droit des peuples à se nourrir eux-mêmes passera avant d’autres considérations plus financières ? C’est pourtant encore un exemple où le peuple profite plus de ce point de vue que des systèmes plus libéraux économiquement…

Sophie VALLEIX, Responsable d'ABioDoc

Numéro 153 – Février 2010