Edito du biopresse

Le salon de l’agriculture, qui s’est tenu début mars à Paris, a permis comme chaque année de nombreuses rencontres. Assurer une permanence à l’espace informatif du stand de l’Agence bio est en effet instructif. Au fil des ans, les interrogations du public se sont faites plus précises, moins polémiques, avec des gens curieux ou porteurs de projets très divers. A côté des questions prévues par les documents disponibles (liste de formations, derniers chiffres de la bio, démarches à suivre pour la conversion…), certaines interrogations sont plus subtiles ou plus ambiguës, telles que « Lors d’une formation à la conversion, un vétérinaire homéopathe nous a dit que seule l’approche uniciste relève de la vraie homéopathie, qu’en pensez-vous ? ». Les discussions débordent parfois sur la faim dans le monde, les moyens ou leviers pour la combattre…

Le salon, c’est aussi le rendez-vous avec le séminaire de l’Agence Bio. Deuxième occasion de prendre le pouls de la bio, du côté des spécialistes cette fois-ci. En 2009, la hausse des surfaces bio en France a représenté 11% à 35% selon les régions, parmi lesquelles 7 ont connu plus de 1000 conversions. En PACA, la surface en bio atteint presque 10% des surfaces agricoles, le Languedoc-Roussillon est à plus de 6%.

Concernant le marché, Elisabeth Mercier, directrice de l’Agence Bio, a estimé que l’offre bio française en vin, bovins, ovins, caprins, œufs et volailles était actuellement suffisante, que celle en lait et céréales connaissait encore quelques manques, et que celle en fruits et légumes et en épicerie sèche était encore insuffisante, certains produits étant cependant d’origine exotique.

Les chiffres montrent que l’Europe a totalisé 7,7 millions d’hectares en 2008 et 194 000 fermes bio. L’Espagne est devenue le premier pays, avec une surface bio contrastée, composée de zones de pâture peu productives et de zones de fruits et légumes. L’Allemagne a connu une stagnation de la valeur du marché alimentaire des ménages en produits biologiques, sauf en magasins spécialisés où les ventes ont connu une petite hausse (2 à 4 %). Néanmoins, Mme Mercier a déclaré que tous les experts qu’elle a rencontrés estiment que le rythme de croissance des produits bio devrait reprendre après la crise économique.

Urs Niggli, directeur du FiBl, en Suisse, s’est interrogé sur les perspectives de l’AB. Selon le rapport du Millennium Ecosystem Assessment (2005), certains scénarios estiment qu’il est possible de produire suffisamment en agriculture pour les usages nécessaires, sans polluer l’environnement et sans accentuer le changement climatique. Néanmoins, ces scénarios supposent des changements dans les domaines politiques, de la recherche, etc. Changements qui ne sont, selon les auteurs du rapport, en cours nulle part dans le monde… Urs Niggli a ensuite listé les études qui montrent l’intérêt du bio pour l’environnement (biodiversité…), le changement climatique (stockage du carbone…). Pour bénéficier au mieux des intérêts de l’AB, Jean-François Hulot, de la Commission européenne, a rappelé que la place de la bio dans la PAC post-2013 se négociait dès maintenant et qu’il était important de faire des propositions avant l’été…

Sophie VALLEIX, Responsable d'ABioDoc

Numéro 154 – Mars 2010


L’autre jour, une collègue de VetAgro Sup (ex Enita Clermont) me déclara : « Je ne crois pas à l’agriculture biologique ! ». Surprise, je lui répondis que l’emploi du verbe « croire » ne me semblait pas adapté, l’agriculture biologique n’étant pas une religion. Par ailleurs, dans un établissement d’enseignement supérieur agricole tel que VetAgro Sup, j’imagine que tout le monde a déjà eu connaissance de fermes biologiques qui fonctionnent bien, techniquement et économiquement, et ce depuis plusieurs années. C’est donc un fait, l’agriculture biologique existe !

Elle précisa alors : « Je ne crois pas que l’agriculture biologique puisse résoudre tous les problèmes ni nourrir toute la population ».
Résoudre certains problèmes actuels, l’AB peut y contribuer, mais elle doit être accompagnée car elle ne peut seule résoudre les problèmes d’accès au foncier, d’artificialisation des terres, de chômage, de marchés internationaux, etc.
Nourrir la population doit bien sûr être l’objectif principal de l’agriculture et devrait être celui de chaque humain, mais le but n’est certes pas atteint aujourd’hui avec un milliard de personnes sous alimentées, avec une population française nourrie avec plus de terres qu’elle n’en possède (si on ajoute les hectares de soja argentin et brésilien notamment), avec des paysans exclus de leurs terres, parfois pour nourrir nos animaux ou faire rouler nos voitures…

La discussion avançant, l’idée se précisa. La plupart des personnes qui travaillent dans l’agriculture biologique ont ou acquièrent une façon de réfléchir particulière, avec une approche plus globale et une analyse plus ciblée au cas par cas. Elles s’orientent souvent vers un mode de vie plus écologique, tendant notamment vers la notion de décroissance, ou le terme plus adapté de Pierre Rabhi, la sobriété heureuse.

Finalement, ce qui gênait vraiment ma collègue, c’était plus les « attaques » réelles ou ressenties à l’égard de l’agriculture conventionnelle. Les caricatures existent partout, mais je pense qu’utilisées par les personnes convaincues par l’intérêt de l’AB, elles peuvent desservir un discours plus posé, plus technique, plus argumenté, que ce soit dans une discussion, un écrit, un film…

C’est un phénomène similaire pour la notion de consommation responsable. Ainsi, une enquête de Ethicity (voir la rubrique « Brèves » de ce Biopresse) réalisée en février et mars 2010 sur 4373 personnes montre que, si les consommateurs restent majoritairement pour le développement durable (60%), ils expriment un ras le bol face à la communication du « tout durable » et demandent des preuves de qualité.

J’ai terminé la discussion avec ma collègue en lui suggérant que nous aurons les idées plus claires concernant les intérêts et les limites de l’agriculture biologique lorsque nous serons à 10 ou 20% de la SAU française, et que d’ici là nous avions intérêt à la laisser mener sereinement sa progression… ce en quoi elle n’était finalement pas opposée…

 

Sophie VALLEIX, Responsable d'ABioDoc

Numéro 155 – Avril 2010


Comme chaque année, avec le mois de mai est revenu le temps du Printemps Bio.
Orchestré à l’échelle nationale par l’Agence Bio, il se décline dans chaque région. En Auvergne, l’innovation de cette année a résidé dans le partenariat avec une troupe de théâtre, recrutée par l’interprofession Auvergne Biologique. Un travail préalable a permis d’identifier les idées fortes à faire passer. Puis les acteurs, descendants martiens de nos descendants terriens, créateurs de sols sur Mars et admirateurs des anciens producteurs biologiques, seul mode de production valable pour leur nouvel écosystème fragile, ont remonté le temps pour venir à la rencontre de leurs ancêtres, alias des spectateurs. Confrontés à un monde artificiel, ces « descendants » de notre civilisation vivent au quotidien les problèmes liés à l’absence de biodiversité. Ayant entendu parler d’une vache nigérienne capable de résister aux conditions sèches, ils ont provoqué une improbable rencontre avec un berger peul qui avait dû vendre tout son troupeau et qui, dégoûté du système économique terrien, a finalement choisi de partir sur Mars, avec un troupeau de vaches acheté par les martiens au marché local. Présenté de façon ludique et professionnelle, le spectacle a captivé le public, petits et grands.

Convaincu que le développement de l’agriculture biologique passe aussi par des messages de ce type, et après consultation de plusieurs personnes du milieu de l’agriculture biologique, ABioDoc a choisi d’élargir le contenu de sa base de données des Acteurs de la Bio. Cette base, qui s’ajoute à la base de données documentaire, a été créée en 2004 et est accessible depuis 2005 sur le site Internet www.abiodoc.com.
Orientée sur la recherche, la formation et le développement, cette base contient à la fois des organismes et des personnes. Au cours de l’année 2010-2011, ABioDoc a prévu de restructurer le volet informatique de la base de données, mais également d’introduire de nouvelles rubriques : formation de cuisiniers et de gestionnaires de cantine, formations diverses liées à la production, à la transformation et à la distribution, animation auprès d’enfants, animation de stand ou de manifestations (troupes de théâtre, chanteurs…), etc. Un recensement de ces références aura lieu au cours du projet, et chacun pourra ensuite profiter des données recueillies…

Sophie VALLEIX, Responsable d'ABioDoc

Numéro 156 – Mai 2010


En 2009, le nombre d’œufs bio produits en France a connu une croissance de 20%, comme l’a indiqué Pascale Magdelaine (Itavi) lors des conférences consacrées aux volailles au cours du Salon Tech & Bio élevage qui s’est tenu les 23 et 24 juin dans le Maine et Loire. La consommation a heureusement augmenté dans les mêmes proportions. Les premiers chiffres de la production sur 2010 ne sont pas connus mais les spécialistes ne voient pas de signes de ralentissement. Si l’augmentation de la production d’œufs biologiques est satisfaisante, elle suscite cependant des inquiétudes chez les professionnels du secteur. L’une d’elles vient de la nouvelle interprétation du lien au sol dans la réglementation européenne. Depuis 2000 et l’homologation française du cahier des charges des animaux dans le CC-REPAB F, l’obligation pour l’éleveur de produire une partie de l’alimentation de son troupeau avait certes entrainé une stagnation de la production, mais avait aussi permis une adéquation entre cette dernière, la consommation et les matières premières nécessaires à l’alimentation des poules.

Concernant la consommation, il est évident que l’augmentation de la disponibilité va favoriser la consommation, comme cela a été le cas en 2009, mais jusqu’où… L’augmentation des volumes peut aussi permettre de livrer de nouveaux clients, jusque là limités par l’importance des quantités nécessaires (restauration collective notamment), mais à quels prix ? Concernant les matières premières, les opérateurs sont inquiets, car les conversions ou les installations de poulaillers bio sont plus rapides, et même plus nombreuses que les conversions de céréaliers. L’alimentation des poules doit provenir pour 50% de la région. Or, les poulaillers bio sont principalement présents dans l’Ouest, où se trouvent aussi les abattoirs, les usines d’aliments… et les conversions de grandes cultures plus dans les régions céréalières, notamment dans le Centre. Faut-il assouplir la notion de région ou rééquilibrer les zones de production, pour éviter les écueils de l’agriculture conventionnelle ?

Si les entreprises traditionnelles de l’agriculture biologique sont conscientes de cette situation et s’efforcent de respecter les contraintes de l’approvisionnement en local, ils ont cependant parfois le sentiment que ce n’est pas le cas des nouveaux opérateurs. Et la question de fond revient sur : quelle agriculture biologique voulons-nous ? Les sociétés traditionnellement impliquées dans la filière biologique s’inquiètent de la concurrence de ces nouveaux opérateurs, à la fois français mais également étrangers, qui appliquent les règles différemment et peuvent « casser » les prix. Parmi ces règles, figure l’approvisionnement en matières premières. En effet, les opérateurs traditionnels privilégient d’abord la provenance française quand certains opérateurs, notamment néerlandais (selon les opérateurs français), s’approvisionnent pour une large part en Europe de l’Est où le niveau de vie et les prix sont plus bas. Ils utilisent aussi des bâtiments à trois étages, ce qui permet de respecter les surfaces minimales par animal tout en augmentant la concentration dans le bâtiment et donc en diminuant les coûts. Les parcours, au lieu d’être herbeux, seraient également parfois cultivés en céréales.

A l’inverse, certains souhaitent proposer aux volailles un parcours agréable, composé d’herbe et parsemé d’arbres, ces derniers rassurant les animaux et leur fournissant des abris et de l’ombre, voire des perchoirs lorsque ce sont de jeunes plantations. Une recherche sur la thématique, intitulée AlterAviBio, tente de quantifier l’intérêt de cette présence d’arbres et d’étudier la meilleure disposition possible.

Sophie VALLEIX, Responsable d'ABioDoc

Numéro 157 – Juin 2010


Une réunion consacrée aux plateformes d’approvisionnement et de distribution de produits biologiques en restauration collective a été organisée début juillet à l’initiative du Pôle Bio Massif Central, dans le cadre de son projet « Développement des filières biologiques du Massif Central pour répondre aux besoins de la restauration collective ».

L’approvisionnement en produits biologiques n’est pas toujours évident pour les cuisines collectives. L’accord avec un producteurproche peut se faire sur un produit (pain, yaourt, pomme…). Mais cela ne fait pas un repas complet… De plus, dès que la cuisine sert un nombre important de couverts (nombre d’élèves conséquent, cuisine centrale…), un agriculteur seul ne peut pas forcément suffire. En cas de récolte inférieure aux prévisions et insuffisante, la commande auprès de l’établissement n’est plus assurée et ce dernier rencontre des difficultés. Ce n’est alors pas évident d’expliquer aux derniers convives qu’ils n’ont plus de fraises bio par exemple et qu’on leur propose une pomme à la place. D’autant plus si une animation a eu lieu sur l’agriculture biologique et que la pomme proposée est conventionnelle…

Pour limiter ce risque, des agriculteurs se regroupent sous des plateformes de producteurs. Ils organisent alors la production dans l’optique de vendre à la restauration collective, avec parfois des investissements spécifiques. Dans ce système, si le nombre d’établissements utilisant ces produits bio dans leur restauration est très faible, les producteurs prennent des risques. En effet, lors d’un changement de politique interne, lié à une mutation de personne par exemple (chef d’établissement, gestionnaire, cuisinier…) ou à une proposition financière plus intéressante de la part des fournisseurs habituels du secteur, l’établissement peut décider de ne plus acheter la production du ou des producteurs locaux, qui se retrouvent avec leurs marchandises sur les bras. Les contrats d’achat ne sont pas courants dans ce domaine... Cependant, actuellement, la demande de produits locaux devient très forte, avec l’impulsion des collectivités territoriales notamment, car les élus sont convaincus de l’importance de maintenir et développer une agriculture de qualité sur leur territoire. Ils ne souhaitent pas que les aides qu’ils versent pour les repas bio soient utilisées pour consommer des produits, certes biologiques, mais provenant de l’autre bout du monde, avec un bilan écologique discutable auprès des citoyens et un impact faible sur le territoire en terme en particulier d’emploi, d’animation et d’aménagement paysager.

Les plateformes de distribution de produits biologiques, existantes ou qui se mettent en place, permettent de rassembler tous les produits, de ne présenter qu’un interlocuteur et qu’une facture unique pour les établissements, de conforter les débouchés et les approvisionnements, de rationaliser les déplacements et donc les coûts de transport, etc. Elles sont un outil au service du développement d’une agriculture biologique de proximité, même si ponctuellement les commandes peuvent être passées dans les pays limitrophes dans un souci d’ajuster la demande des établissements et la production. Le principe peut ainsi être : « Si je fournis 3t de carottes en restauration collective dans l’année, je peux inciter des producteurs locaux à semer l’équivalent de la surface nécessaire en carottes ». Malgré le manque de produits locaux pour approvisionner les plateformes de distribution, les besoins représentent actuellement néanmoins des surfaces assez limitées, rendant difficile une action importante auprès de céréaliers qui pourraient implanter quelques hectares de
légumes. Des contractualisations à trois, avec les établissements, les plateformes de distribution et les producteurs, pourraient sans doute amplifier l’introduction de produits biologiques en restauration collective, avec des produits les plus locaux possibles…

Sophie VALLEIX, Responsable d'ABioDoc

Numéro 158 – Juillet-Août 2010


Le 16 septembre 2010, une convention a été signée entre ABioDoc /VetAgro Sup et un partenaire québécois, le CETAB+/Cegep de Victoriaville, lors d’une conférence de presse qui se déroulait au Québec.

Cette entente permettra d’augmenter la quantité d’information disponible pour les utilisateurs de la Biobase car la veille et l’alimentation de celle-ci seront assurées à la fois au Québec et en France. L’entente prévoit également l’édition d’une revue bibliographique commune regroupant toutes les notices indexées dans le mois. Le Biopresse deviendra ainsi franco-québécois.

Les conseillers, enseignants et organisations du Québec ont déjà pu « toucher du doigt » les expressions, termes techniques et mots-clés
particuliers des Français. Deux journées de formation à la base de données documentaire Biobase ont réuni une cinquantaine de personnes à Victoriaville. Ils ont, par exemple, appris qu’un « itinéraire technique » n’est autre qu’une « régie technique » et que, de même, la « conduite d’élevage » est le mot utilisé en France pour la régie d’élevage… Si des équivalences de mots-clés (avec des renvois) vont être réalisées en concertation entre ABioDoc et le CETAB+, les Français pourront cependant découvrir les termes des Québécois, en lisant les résumés réalisés par le CETAB+ dans la revue bibliographique Biopresse ou dans la Biobase. Ils traduiront alors « vache-veau » par « vache allaitante », etc. Si quelques adaptations seront nécessaires, les termes utilisés de part et d’autre de l’Atlantique restent néanmoins faciles à comprendre pour les uns et les autres.

Les formations réalisées au Québec ont montré l’intérêt des références de la Biobase pour les Québécois. Par exemple, les problèmes de tavelure ou de mammite sont par exemple sensiblement identiques d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique. Par ailleurs, le climat et les paysages québécois, dans les régions les plus habitées, ne sont pas sans rappeler ceux du Massif Central, en plus froid et en plus grands, certes… Côté français, l’organisation économique du secteur laitier québécois est largement commentée… Un chercheur d’Arvalis avait, par  ailleurs, dès le mois de février dernier, déclaré que les résultats de recherche en modélisation provenant des Etats-Unis l’intéressaient particulièrement.

Des partenaires qui se ressemblent

Statutairement, ABioDoc et le CETAB+ sont des organisations qui se ressemblent : ils sont tous deux un service/département d’un établissement d’enseignement supérieur agricole (VetAgro Sup pour ABioDoc et le Cégep de Victoriaville pour le CETAB+), ils dépendent de leur ministère de l’Agriculture, ont des équipes de taille similaire (avec des missions de transfert, de conseils et d’animation en plus de la veille technologique pour le CETAB+) et participent à des projets de recherche et de développement.

Ce partenariat, qui a l’avantage de renforcer les liens entre Français et Québécois, offre des atouts professionnels indéniables pour les personnes
intervenant en agriculture biologique et pour tous ceux qui s’intéressent aux techniques agricoles et aux mises en marché alternatives. La veille documentaire va se trouver nettement amplifiée sur l’Amérique du nord, ainsi que la capacité d’alimentation de la base de données, le travail étant mutualisé sur les deux structures. Grâce à cette entente et à la communication réalisée au Québec, la Biobase sera plus visible et plus utilisée chez les francophones du Canada, renforçant la visibilité des produits d’ABioDoc outre Atlantique et donnant accès à un nombre important de références aux intervenants de l’agriculture biologique au Québec. Globalement, les francophones intéressés par l’agriculture biologique disposeront ainsi d’un nombre supplémentaire de références disponibles. Et ces liens privilégiés sont aussi la porte ouverte à d’autres formes d’échanges entre nos deux pays, dont certains de nos partenaires ont déjà perçu l’intérêt…

Sophie Valleix, responsable d’ABioDoc, et
Serge Préfontaine, responsable du CETAB+

Numéro 159 – Septembre 2010


Ce qui ressort de ce numéro de Biopresse, riche en notices sur les filières, et aussi ce que l’on pouvait ressentir lors du Sommet de l’élevage qui s’est tenu à Cournon (63) en octobre dernier : la demande en produits biologiques est au rendez-vous de l’augmentation de la production. Les entreprises de transformation ou de distribution de produits biologiques, un peu frileuses début 2010 et désireuses d’assurer déjà des débouchés aux nouveaux produits, n’hésitent pas maintenant à entretenir le flot de conversions. L’augmentation de la production a renforcé certains marchés existants et a aussi permis de mettre en place de nouvelles filières qui demandaient des volumes importants pour démarrer leur activité.

Globalement, les filières poursuivent leurs efforts d’organisation. Dans la filière viande bovine, par exemple, le développement de la restauration hors domicile a entraîné une forte demande sur les parties arrières (morceaux moins coûteux et à l’origine des steaks hachés pour les races allaitantes), ce qui amène les entreprises de ce secteur à tenter de renforcer les achats des particuliers plus tournés vers les pièces « nobles » (beefsteaks, rôtis…) et les débouchés auprès des artisans-bouchers.

Pour le secteur de la viande ovine, les entreprises s’efforcent de planifier la sortie des animaux afin d’anticiper les ventes et de sécuriser le marché, particulièrement pour les agneaux où la demande est importante à Pâques. Ainsi, selon l’année et la situation de la fête pascale à la sortie de l’hiver, la disponibilité en agneaux biologiques est très variable. En revanche, il n’existe quasiment aucune demande en novembre où parfois de nombreux animaux arrivent sur le marché et où il est très difficile de trouver des débouchés.

Malgré ce marché porteur, certaines entreprises présentes sur le domaine de l’agriculture biologique depuis de nombreuses années s’inquiètent de l’arrivée sur le secteur de grands groupes ou de grandes entreprises qui n’auraient pas forcément la volonté de respecter la globalité de la démarche liée à l’agriculture biologique, avec les principes d’équilibre, d’équité, de transparence…
Avec le risque d’aboutir à un système où les agriculteurs biologiques ne sont pas rémunérés à la hauteur de leur travail et où les bénéfices sont dilués dans l’ensemble de la filière. Avec également le risque d’une production biologique dans laquelle un certain nombre d’acteurs ne se reconnaitraient plus et où l’agriculture biologique serait appliquée avec les modèles de l’agriculture conventionnelle, sans les remettre en cause et sans chercher à créer un système basé sur la terre et les relations entre les différents éléments : la terre, les plantes, les animaux et l’homme.

Alors, réussissons l’exploit de rester vigilants mais sans être frileux  non plus (et ce malgré l’hiver qui arrive) !

Sophie Valleix, responsable d’ABioDoc

Numéro 160 – Octobre 2010


La recherche en agriculture biologique a depuis longtemps pris conscience de l’importance d’associer un nombre important d’acteurs, et
notamment les producteurs, les techniciens et les enseignants. Au début des années 1990, le Gepab en Bretagne ou le Gis Bio Massif Central, par exemple, rassemblaient des chercheurs de l’Inra, certes plutôt pionniers à l’époque et pas toujours bien suivis par leur hiérarchie, et des représentants des différents secteurs précités. En 2008, lors du colloque international sur le changement climatique organisé par ABioDoc, VetAgro Sup (alors Enita Clermont) et l’AsAFI, Jean-François Soussana, un chercheur de l’Inra spécialiste de la thématique, avait insisté sur l’intérêt que le colloque soit à la fois scientifique ET professionnel afin de pouvoir échanger avec en particulier les producteurs et les techniciens qui vivaient au jour le jour les contraintes du changement climatique sur le terrain.

Cependant, il n’est pas toujours évident d’associer ces publics différents : langages différents (un problème de terrain n’est pas toujours évident à traduire en question de recherche), compétences disponibles (pour mener une recherche, il faut dans l’équipe un chercheur compétent sur la thématique), objectifs parfois multiples selon les partenaires, temps disponible, reconnaissance de la place de chacun, etc.

C’est pourtant à cela que s’attellent les structures de coordination de la recherche ou de la recherche-développement en agriculture biologique, comme l’Itab (Institut technique de l’AB) à l’échelle nationale, ou le Pôle Bio à l’échelle Massif Central. Le Pôle Bio Massif Central a trois axes d’action sur sa zone géographique (soit sur 6 régions et 22 départements) : la concertation, l’ingénierie de projets de recherche-développement et la diffusion de connaissances. Cet automne, le Pôle Bio Massif Central a développé les actions permettant de
renforcer les liens avec ses partenaires.

Ainsi, en novembre 2010, le Pôle Bio Massif Central a organisé deux journées intitulées « Les rendez-vous 2010 du Pôle Bio », l’une en
Bourgogne (nord du Massif) et l’autre en Aveyron (sud du Massif). Ces rencontres visaient à diffuser les résultats des projets du Pôle mais aussi surtout à définir, avec les acteurs, les besoins en recherche-développement en agriculture biologique sur le Massif Central. Un temps important était consacré à des ateliers, conduits de façon à laisser s’exprimer le plus grand nombre afin d’identifier les futurs axes de recherche pour « une agriculture biologique en lien avec les territoires ». Les thèmes identifiés lors de ces journées ont été multiples. Parmi ceux-ci, figurent la problématique de la valorisation des animaux mâles, en particulier en bovin et dans les zones très herbagères où la
culture de céréales est difficile ou inexistante ; la nécessaire planification des productions, les liens entre l’amont et l’aval et la contractualisation ; etc.

Par ailleurs, le Pôle Bio souhaitait renforcer spécifiquement les synergies avec les établissements d’enseignements agricoles du Massif pour y favoriser le développement de l’AB, à la fois dans les formations, les fermes, la restauration collective et pour augmenter la participation de nouveaux établissements aux projets de recherche-développement. Ainsi, une journée a été organisée début décembre au Lycée de Marmilhat (près de Clermont-Ferrand) et a regroupé des directeurs d’établissements (Lycées, CFPPA…) et d’exploitations agricoles de lycée, ainsi qu’un représentant du réseau Formabio.
Plusieurs pistes d’échanges ont été envisagées (accueil en stage d’étudiants de la Licence Pro ABCD sur des expérimentations de fermes de lycée, participation d’élèves en BTS à des enquêtes conduites dans le cadre d’un nouveau projet du Pôle Bio, renforcement de l’utilisation de la Biobase d’ABioDoc dans les formations, etc). Reste à tout mettre en place, nouveaux projets de recherche et intégration de nouveaux établissements dans le Pôle Bio…

Sophie Valleix, responsable d’ABioDoc

Numéro 161 – Novembre 2010


L’agriculture biologique représente une minorité d’individus et d’entreprises. Il est nécessaire que les différents acteurs travaillent ensemble, que ce soit à l’intérieur d’une filière, d’un pays ou à travers le monde.

Récemment, le Centre d’expertise et de transfert en agriculture biologique et de proximité (CETAB+) recevait une délégation brésilienne en mission au Québec. Un journaliste de Radio-Canada accompagnait le groupe brésilien. Il demandait à Denis La France, un collègue qui compte près de 40 ans d’expérience en agriculture biologique, si nous pensions bien à ce que nous faisions en livrant nos secrets à cette puissance agricole. La réponse de M. La France : « Pour moi, de l’agriculture biologique, il doit s’en faire de plus en plus sur la planète. En plus, nous sommes déjà allés au Brésil et les gens ont été généreux dans leur partage d’information.  J’ai visité plus de 50 pays dans le monde et partout, les gens de l’agriculture biologique sont heureux de partager leur savoir. »

Cette anecdote illustre bien la volonté et les valeurs qui animent plusieurs acteurs du bio. Au CETAB+, le travail en partenariat fait partie de notre culture organisationnelle. Chacun de nos projets réalisés à ce jour a bénéficié de la contribution d’au moins un partenaire. Ce travail de collaboration est toujours enrichissant pour tous, comme dans le cas de notre association avec ABioDoc pour la veille.

L’agriculture bio au Québec

Comparé à plusieurs pays d’Europe, le Québec accuse un retard dans le développement de l’agriculture biologique, que l’on parle de l’importance relative des  superficies en culture, du nombre de fermes ou de l’organisation des filières. Avec une progression annuelle moyenne de la consommation de 15 % par année, les producteurs et les transformateurs québécois ne répondraient qu’à 30 % de la demande intérieure de produits biologiques.

Mais la situation devrait s’améliorer. Le Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a récemment dévoilé le premier plan d’action pour le secteur biologique québécois. Plusieurs acteurs sont mis à contribution, dont le CETAB+ pour la veille et le soutien aux conseillers. Ce plan était précédé par celui préparé par la Filière biologique du Québec, qui porte le titre évocateur de  « Feu vert pour une stratégie collective ». On vise une augmentation de 20 % de la production et de 15 % des superficies pour 2013.

C’est en travaillant ensemble que l’on réussira à atteindre ces objectifs. C’est aussi en travaillant ensemble, entre pays, que l’on développera plus rapidement le bio sur la planète. S’unir pour s’aider a longtemps été le slogan des syndicats de gestion agricole, une organisation québécoise. Souhaitons que de plus en plus, à travers le monde, les gens du bio puissent s’unir pour s’aider.

Serge Préfontaine, Coordonnateur Cetab+

Numéro 162 – Décembre 2010


Faut-il permettre l’attache d’animaux dans les élevages biologiques ? Bien sûr que non, affirmeront certains qui argueront que le bien-être animal fait partie des principes de l’agriculture biologique (inscrit dans les règles d’IFOAM, la fédération internationale des mouvements de l’agriculture biologique, et dans le Règlement européen) et qu’un animal attaché ne peut pas être « bien ». Cependant, du côté des éleveurs ou des personnes qui circulent dans différentes fermes, en particulier dans des élevages bovins, la question n’est pas si simple. Le règlement européen prévoit d’ailleurs une mesure transitoire qui stipule que, dans des conditions bien précises (situation géographique et contraintes structurelles), « les autorités compétentes peuvent autoriser l’attache des bovins dans les exploitations de petites tailles s’il n’est pas possible de les garder en groupe adaptés à leurs besoins comportementaux, pour autant qu’ils aient accès à des pâturages et à des espaces de plein air au moins deux fois par semaine ». La période transitoire expirait le 31 décembre 2010 mais pouvait être prolongée jusqu’au 31 décembre 2013. Durant cette période, les visites de contrôle doivent être effectuées au moins deux fois par an (soit à différentes saisons). Le Comité national de l’agriculture biologique de l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité) a ainsi décidé de prolonger, en France, jusqu’en 2013, la dérogation qui permet de pouvoir attacher les animaux dans les exploitations de petites tailles.

Quel est donc le problème ? Quand les animaux sont en liberté dans un espace réduit, les plus forts peuvent harceler les plus faibles, les empêcher de manger, les coincer et les brutaliser. Il faut alors écorner les animaux pour éviter les blessures, ce qui est aussi contraire à l’esprit bio… Pourquoi alors ne pas bâtir des bâtiments plus spacieux ? Dans la pratique, il peut exister un réel problème de place (étable intégré à un corps de bâtiment, forte pente qui limite les possibilités de construction…) et la quantité de paille nécessaire en stabulation pose un sérieux problème dans les zones d’élevages, en particulier dans les zones de montagne. S’il faut transporter la paille sur de nombreux kilomètres, se pose alors la question de l’émission de gaz à effet de serre et du changement climatique.

Alors, dans les zones au climat hivernal difficile, n’est-il pas opportun de permettre, dans la durée, que des vaches biologiques soient attachées pendant la mauvaise période (neige, froid, boue), lorsqu’elles sont dehors tout l’été ? Sur ce sujet, les préoccupations des québécois rejoignent celles des éleveurs de montagne. Louis Rousseau, notre collègue du CETAB+ chargé de la veille documentaire et
technologique au Québec, était en mission une semaine à ABioDoc pour parfaire sa formation documentaire et discuter de l’organisation commune future (pour l’édition du Biopresse, le service questions-réponses…). Un soir, il a discuté avec mon voisin, éleveur biologique, de cette thématique. Au Québec, de même qu’à certaines périodes hivernales dans les montagnes françaises (pas en ce moment, je vous l’accorde !), même la notion d’exercices réguliers pose problème. En effet, les sorties de stabulation sont parfois si gelées que les animaux risquent de tomber. Les zones de passage, qui sont alternativement boueuses et gelées, deviennent impraticables.

Le Président de l’AsAFI (IFOAM-France), David Peyremorte, expliquait en réunion le 7 février que des éleveurs du Doubs (Jura) avaient invité des membres d’IFOAM Europe et de la Commission européenne pour venir constater de visu que les conditions de vie de leurs bovins, même attachés en hiver, étaient satisfaisantes. Le débat n’est donc pas fini sur le sujet. Dans le même temps, ces cas particuliers ne doivent pas ouvrir la porte à des élevages biologiques « industriels » où les animaux seraient attachés en permanence et ne pâtureraient jamais. Reste par ailleurs à définir la notion d’exploitations de « petites tailles »…

Sophie VALLEIX, Responsable d’ABioDoc

Numéro 163 – Janvier 2011