L’agriculture à petite échelle fait de grands pas

En septembre dernier, les éditions québécoises Écosociété publiaient un livre « Le jardinier-maraîcher » écrit par un jeune producteur maraîcher du Québec qui raconte comment sa conjointe et lui-même arrivent à vivre d’un revenu agricole généré sur moins d’un hectare cultivé en légumes biologiques diversifiés. Dans son livre, il expose sa vision, ses méthodes de production et des informations sur les légumes qu’il cultive. À la grande surprise de la maison d’édition, le livre a connu un succès étonnant pour ce type d’ouvrage puisque le premier tirage a été épuisé en moins de quatre semaines. Cette situation soulève une question intéressante : comment se peut-il qu’un ouvrage technique qui parle essentiellement de production maraîchère biologique et d’établissement en agriculture écoule 1 500 copies en un mois ? N’est-il pas commun d’entendre que la relève agricole au Québec est pratiquement inexistante? Que l’agriculture n’intéresse plus les jeunes depuis longtemps ? Selon Jean-Martin Fortier, l’auteur du livre, beaucoup de jeunes seraient intéressés pour faire le saut en agriculture, mais se reconnaissent peu dans le modèle de la ferme usine préconisé par certains. Plusieurs jeunes maraîchers aimeraient exploiter des petites (voir micro) fermes diversifiées afin de profiter des nombreux avantages de la multifonctionnalité et de la vie à la campagne. L’histoire des Jardins de la Grelinette (c’est le nom de la ferme en question dans l’ouvrage) semble inspirer bien des gens, car ces producteurs font la démonstration qu’une ferme à échelle humaine peut être à la fois productive et rentable et qu’il n’est pas nécessaire de grossir pour vivre de sa production agricole! Cette entreprise québécoise, qui dessert près de 150 familles en agriculture soutenue par la communauté et qui travaille en agriculture biologique depuis maintenant 10 ans, mise sur la qualité de sa production. Jean-Martin est convaincu que, dans une ère de méfiance grandissante des consommateurs envers les aliments de l’agro-industrie (OGM, pesticides, E. coli, etc.), un nombre toujours plus important de gens font le choix de s’alimenter en produits frais directement en provenance de la ferme et auprès de producteurs en qui ils ont confiance. Dans les faits, le Québec comptait 43 920 exploitants agricoles en 2011, en baisse de 3 % par rapport à 2006. L'âge moyen des agriculteurs québécois est de 51 ans alors qu'il était de 49 ans cinq ans auparavant; bien qu’il soit le plus faible parmi les provinces canadiennes. La proportion qu'occupent les 55 ans et plus a progressé de 32 à 40 % et celle des moins de 35 ans est restée inchangée à 11 %. Ainsi, le taux de renouvellement des générations en agriculture, c'est-à-dire le nombre d'agriculteurs de moins de 35 ans par rapport à ceux de 55 ans et plus, se situe désormais à 27 %. Cela signifie, en quelque sorte, qu'un agriculteur sur quatre est renouvelé au Québec. Au Canada, ce taux était de 17 % en 2011(Source: La financière agricole du Québec). Cependant, il est intéressant de constater que différents modèles d’agriculture alternatifs se développent ici et ailleurs, et surtout que les gens peuvent en vivre. Inspiré par le succès de nombreux petits producteurs bio, comme Jean-Martin et sa conjointe, il est envisageable qu’une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs Québécois cherchera à s’établir à la campagne et à fonder sa famille dans des communautés rurales où la convivialité est mise en valeur…

Louis Rousseau, chargé de projet au CETAB+

Jean-Martin Fortier, Producteur maraîcher aux Jardins de la Grelinette et auteur du livre Le jardinier -maraîcher ; manuel d’agriculture biologique sur petite surface

Numéro 183 - Novembre 2012