Attache et bien-être animal

Faut-il permettre l’attache d’animaux dans les élevages biologiques ? Bien sûr que non, affirmeront certains qui argueront que le bien-être animal fait partie des principes de l’agriculture biologique (inscrit dans les règles d’IFOAM, la fédération internationale des mouvements de l’agriculture biologique, et dans le Règlement européen) et qu’un animal attaché ne peut pas être « bien ». Cependant, du côté des éleveurs ou des personnes qui circulent dans différentes fermes, en particulier dans des élevages bovins, la question n’est pas si simple. Le règlement européen prévoit d’ailleurs une mesure transitoire qui stipule que, dans des conditions bien précises (situation géographique et contraintes structurelles), « les autorités compétentes peuvent autoriser l’attache des bovins dans les exploitations de petites tailles s’il n’est pas possible de les garder en groupe adaptés à leurs besoins comportementaux, pour autant qu’ils aient accès à des pâturages et à des espaces de plein air au moins deux fois par semaine ». La période transitoire expirait le 31 décembre 2010 mais pouvait être prolongée jusqu’au 31 décembre 2013. Durant cette période, les visites de contrôle doivent être effectuées au moins deux fois par an (soit à différentes saisons). Le Comité national de l’agriculture biologique de l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité) a ainsi décidé de prolonger, en France, jusqu’en 2013, la dérogation qui permet de pouvoir attacher les animaux dans les exploitations de petites tailles.

Quel est donc le problème ? Quand les animaux sont en liberté dans un espace réduit, les plus forts peuvent harceler les plus faibles, les empêcher de manger, les coincer et les brutaliser. Il faut alors écorner les animaux pour éviter les blessures, ce qui est aussi contraire à l’esprit bio… Pourquoi alors ne pas bâtir des bâtiments plus spacieux ? Dans la pratique, il peut exister un réel problème de place (étable intégré à un corps de bâtiment, forte pente qui limite les possibilités de construction…) et la quantité de paille nécessaire en stabulation pose un sérieux problème dans les zones d’élevages, en particulier dans les zones de montagne. S’il faut transporter la paille sur de nombreux kilomètres, se pose alors la question de l’émission de gaz à effet de serre et du changement climatique.

Alors, dans les zones au climat hivernal difficile, n’est-il pas opportun de permettre, dans la durée, que des vaches biologiques soient attachées pendant la mauvaise période (neige, froid, boue), lorsqu’elles sont dehors tout l’été ? Sur ce sujet, les préoccupations des québécois rejoignent celles des éleveurs de montagne. Louis Rousseau, notre collègue du CETAB+ chargé de la veille documentaire et
technologique au Québec, était en mission une semaine à ABioDoc pour parfaire sa formation documentaire et discuter de l’organisation commune future (pour l’édition du Biopresse, le service questions-réponses…). Un soir, il a discuté avec mon voisin, éleveur biologique, de cette thématique. Au Québec, de même qu’à certaines périodes hivernales dans les montagnes françaises (pas en ce moment, je vous l’accorde !), même la notion d’exercices réguliers pose problème. En effet, les sorties de stabulation sont parfois si gelées que les animaux risquent de tomber. Les zones de passage, qui sont alternativement boueuses et gelées, deviennent impraticables.

Le Président de l’AsAFI (IFOAM-France), David Peyremorte, expliquait en réunion le 7 février que des éleveurs du Doubs (Jura) avaient invité des membres d’IFOAM Europe et de la Commission européenne pour venir constater de visu que les conditions de vie de leurs bovins, même attachés en hiver, étaient satisfaisantes. Le débat n’est donc pas fini sur le sujet. Dans le même temps, ces cas particuliers ne doivent pas ouvrir la porte à des élevages biologiques « industriels » où les animaux seraient attachés en permanence et ne pâtureraient jamais. Reste par ailleurs à définir la notion d’exploitations de « petites tailles »…

Sophie VALLEIX, Responsable d’ABioDoc

Numéro 163 – Janvier 2011