L’autonomie en question

Le 12 septembre 2012, le Pôle agriculture biologique Massif Central avait organisé une journée technique consacrée à l’autonomie alimentaire des élevages biologiques. La volatilité des prix des céréales rend cette thématique parfaitement d’actualité en élevage, et d’autant plus en agriculture biologique où les coûts des compléments alimentaires (énergétiques et azotés) sont plus élevés. L’autonomie alimentaire s’intéresse à la fois aux fourrages et aux compléments. Dans le Massif Central, l’herbe est très présente dans les rations des ruminants mais l’autonomie fourragère est parfois compliquée à atteindre, soit dans les zones froides où les stocks hivernaux doivent être importants, soit dans les zones plus sèches du sud du Massif où la pousse estivale est très faible. L’augmentation de la fréquence des années sèches renforce les difficultés. Concernant les compléments alimentaires, la difficulté est encore renforcée car certaines fermes de montagne ne disposent pas de terres cultivées. Des éleveurs de montagne réfléchissent à la mise en place de céréales en altitude (au-delà de 1000 m) afin de fournir de la paille et de mieux finir les animaux, certaines céréales pouvant s’adapter. Cependant, la PAC qui réglemente le retournement des prairies peut aussi représenter un frein au retour en rotation de prairies de longue durée. Une autre solution est la contractualisation avec des exploitations proches, situées dans les vallées par exemple (cette contractualisation existe aussi parfois pour le fourrage). Enfin, dans les zones difficiles, une bonne stratégie commerciale (intégrant la vente directe notamment) peut compenser les handicaps naturels. Aujourd’hui, des producteurs, des techniciens, des chercheurs et des enseignants travaillent main dans la main pour trouver des solutions, avec des projets qui concernent la conduite du pâturage, l’utilisation des parcours, les variétés rustiques de pays, les prairies à flore variée, la finition des animaux, etc.

Des exemples d’organisation de l’autonomie à l’échelle d’un territoire existent aussi au plan national, notamment dans la filière des monogastriques biologiques. Ces organisations réunissent des groupements de producteurs, des transformateurs et des distributeurs.

A l’échelle nationale, l’autonomie alimentaire en agriculture est également d’actualité, et pas seulement du fait de la volatilité des prix des céréales. De nombreux animaux d’élevages sont nourris avec du maïs et du soja dont une part contient des OGM. L’étude récente du professeur Séralini relance le débat et renforce les doutes des consommateurs sur le sujet. Plus globalement, il serait cohérent de nourrir nos ruminants essentiellement avec des fourrages, et de l’herbe notamment, et de complémenter avec des céréales et des protéagineux produits sur le territoire national. Cela éviterait de spolier les terres de paysans des pays du Sud pour y implanter du soja et de les envoyer dans la misère. Néanmoins, cela supposerait notamment de repenser les territoires (et de profiter au mieux de toutes les surfaces utilisables pour l’élevage, telles que les landes, les friches, les bois…), et éventuellement d’affecter plus de terres, en France, à l’alimentation animale (et notamment aux protéagineux). Cependant, ce dernier point implique de remettre notre système alimentaire en cause car les surfaces ne sont pas extensibles et l’efficacité des céréales est moindre lorsqu’elles sont consommées par les animaux d’élevage que lorsqu’elles sont consommées directement par les humains. Parmi les pistes pour y arriver, une des solutions est de limiter le gaspillage alimentaire (ce qui est d’ailleurs une nouvelle voie d’action déterminée par les pouvoirs publics), une autre de limiter la consommation de produits animaux et de privilégier la viande de qualité issue par exemple d’élevages les plus autonomes possibles dans leur système de production…

Sophie Valleix, responsable d'ABioDoc

Numéro 181 - Septembre 2012