La bio horizon 2012… et « eau »-delà

C’est une constatation, les 6% de la surface agricole utile (SAU) en agriculture biologique prévus dans le Plan de développement français de la bio ne seront certainement pas atteints en 2012. Néanmoins, la bio a connu un essor important depuis 2008, avec 4,6% des fermes françaises engagées en agriculture biologique mi 2011, mais seulement 3,09% des surfaces. Si l’engagement politique public « clair et affirmé », tel que le dénomme la Fnab, a été déterminant, d’autres facteurs ont aussi joué comme la crise du prix du lait en 2009. Ainsi, dans le secteur laitier, les conversions en cours permettront d’équilibrer l’offre et la demande française en 2013, sans recours aux importations. L’augmentation de volumes lors de nouvelles conversions devra se faire parallèlement à des croissances similaires de consommation. Pour la viande d’agneaux par exemple, les volumes proposés correspondraient à peu près à la demande. Cependant, une croissance de la production dans ce domaine pourrait permettre de franchir un pallier et de proposer ce type de produits dans de nouveaux circuits commerciaux ou de nouveaux linéaires. Le maintien d’une communication forte auprès du public et celui d’une volonté politique affirmée, aux échelles nationales et régionales, est donc nécessaire pour permettre une croissance harmonieuse de la filière bio. Car il y a urgence dans certains domaines, tels que la santé ou la qualité de l’eau. Concernant ce dernier point, un colloque était organisé par la Fnab, à Paris, le 24 novembre dernier : « L’agriculture biologique au service de la protection de l’eau, un enjeu de politiques agri-environnementales et territoriales ».
Selon une étude parue dans la revue Etudes et documents du Commissariat général au développement durable de septembre 2011, les dépenses additionnelles évaluées des ménages générées par les pollutions liées aux excédents d’azote et de pesticides d’origine agricole représenteraient entre 7 et 12% de la facture d’eau, soit 640 à 1140 millions d’euros, avec un surcoût de 140% pour les localités les plus polluées. A cela s’ajoutent les dépenses liées à l’eutrophisation, à l’élimination des nitrates et des pesticides des milieux aquatiques, ou celles à prévoir pour la dépollution des eaux souterraines. Certains captages sont tout simplement fermés, le coût de dépollution de leurs eaux étant prohibitif (la moitié des captages de la ville de Niort, par exemple, ont ainsi été fermés en 20 ans). Selon les observations de la cour des comptes, les traitements de l’eau s’avèrent 2,5 fois plus coûteux au mètre cube traité que la prévention opérée en Bavière, qui consiste à responsabiliser les agriculteurs par des actions préventives. Lors du colloque, de nombreux témoignages ont été apportés sur des actions mises en place pour favoriser l’adoption de meilleures pratiques agricoles et favoriser la conversion à l’agriculture biologique sur des territoires sensibles, en curatif et même parfois en préventif comme sur la commune du Val de Reuil, dans l’Eure. Les acteurs impliqués sont nombreux, avec notamment des collectivités territoriales et des agences de l’eau. Cependant, ce n’est pas si simple de convertir 100% des surfaces sur un territoire. Dans certains exemples présentés, des agriculteurs ne pratiquent les techniques bio que sur le bassin d’alimentation, et dans d’autres, les surfaces bio ne totalisent que 5 à 7% du territoire visé. C’est toujours un début. Il est connu que la conversion à la bio implique certes une modification des pratiques mais aussi un changement de pensée et de manière d’aborder le métier d’agriculteur, qui demande plus de temps…
Le même 24 novembre, la Fnab organisait un deuxième colloque intitulé « Osons la bio », avec Terre de liens et Bio Consomm’acteurs. Cinq représentants de candidats ou futurs candidats à l’élection 2012 ont débattu ensemble. Un certain consensus semblait se dessiner sur l’objectif de 20% d’agriculture biologique en 2020, avec toutefois des divergences sur les conditions et les moyens du changement. Cependant, c’était dans le contexte d’une salle vouée à l’agriculture biologique et il faut espérer que cette volonté s’affiche plus largement et sur la durée…


Sophie Valleix, Responsable d’ABioDoc

Numéro 172 - Novembre 2011