Les conditions du passage et du maintien en AB

Comme tous les deux ans, le salon Tech & Bio, qui s’est tenu dans la Drôme les 18 et 19 septembre dernier, a été l’occasion de rencontres, de suivi de démonstrations et de conférences. L’une de ces conférences portait sur « L’accompagnement des agriculteurs vers l’AB ». Elle reprenait notamment les résultats d’un programme de recherche mis en place en région Rhône-Alpes (réf 192-151, page 42 de ce Biopresse), dont une étude réalisée par l’Irstea Grenoble et présentée par Sophie Madelrieux, qui visait à comprendre ce qui conduit des agriculteurs à s’engager dans la certification AB. Les raisons en sont multiples (enquête auprès de 18 exploitants): demande de clients, réaction face à un imprévu, opportunité, résolution de tensions. Dans ce dernier cas, les exploitants sont pris dans des tensions d’ordre économique et/ou identitaire (image du métier, image de soi) et le passage à l’AB permet de résoudre ces tensions, en donnant un sens au métier, en mettant en cohérence les pratiques agricoles et le mode de vie familial… Les passages à la bio, même pour des raisons économiques, amènent certains agriculteurs à cheminer dans leur démarche et à continuer à faire évoluer leur système après la certification, modifiant également leurs habitudes familiales. Pour ceux-là, l’accompagnement est très important, de la part des techniciens ou des autres agriculteurs bio, tant sur les volets techniques qu’éthiques.


Sans cet accompagnement, certains agriculteurs décident de sortir de l’AB. Ces « décertifications » ont fait l’objet d’une autre étude. Parmi ces sorties de la bio, figurent des agriculteurs déjà très impliqués dans les principes de la bio et qui ne se retrouvent pas dans le cahier des charges bio européen tel qu’il est proposé ou dont les relations avec leur OC se sont dégradées. D’autres ont du mal à soutenir leur passage à la bio dans leur environnement proche (professionnel ou familial), et ce, d’autant plus s’ils sont confrontés à des problèmes économiques. Les difficultés économiques peuvent, par ailleurs, directement conduire des exploitants à sortir de l’AB, dès la 1ère ou la 2ème année de conversion. Enfin, la dernière catégorie d’agriculteurs sort de l’AB du fait de changement dans la combinaison des activités sur l’exploitation qui ne sont pas liées à l’AB. Parmi les 18 exploitants enquêtés après leur sortie de l’AB, l’étude révèle que les 2/3 d’entre eux sont restés dans un mode de production proche ou très proche du bio. Même si le phénomène reste limité, il est néanmoins nécessaire de s’interroger dessus.


L’étude a montré que les procédures de certification, les contrôles et les cahiers des charges génèrent des mécontentements pouvant provoquer la sortie de l’AB. Ces procédures sont-elles à faire évoluer ? Par ailleurs, les implications du passage à l’AB ne sont pas toujours anticipées correctement et induisent des sorties précoces (avec le problème notamment des firmes qui guident les exploitants en aval…). Ainsi, les enjeux du passage à l’agriculture biologique doivent-ils bien être envisagés : redonner du sens, permettre une meilleure autonomie, sortir de la routine, trouver sa place dans un nouvel environnement. Le passage à l’AB demande une capacité à prendre des risques et à gérer des aléas, ce qui est plus facile si l’agriculteur est intégré dans des réseaux, afin d’être rassuré sur ses diagnostics et accompagné dans ses apprentissages. L’accompagnement dans la durée des exploitants convertis à l’agriculture biologique s’avère être réellement une nécessité…


Sophie VALLEIX
Responsable d’ABioDoc

Numéro 192 - Septembre 2013