Croire à la bio

L’autre jour, une collègue de VetAgro Sup (ex Enita Clermont) me déclara : « Je ne crois pas à l’agriculture biologique ! ». Surprise, je lui répondis que l’emploi du verbe « croire » ne me semblait pas adapté, l’agriculture biologique n’étant pas une religion. Par ailleurs, dans un établissement d’enseignement supérieur agricole tel que VetAgro Sup, j’imagine que tout le monde a déjà eu connaissance de fermes biologiques qui fonctionnent bien, techniquement et économiquement, et ce depuis plusieurs années. C’est donc un fait, l’agriculture biologique existe !

Elle précisa alors : « Je ne crois pas que l’agriculture biologique puisse résoudre tous les problèmes ni nourrir toute la population ».
Résoudre certains problèmes actuels, l’AB peut y contribuer, mais elle doit être accompagnée car elle ne peut seule résoudre les problèmes d’accès au foncier, d’artificialisation des terres, de chômage, de marchés internationaux, etc.
Nourrir la population doit bien sûr être l’objectif principal de l’agriculture et devrait être celui de chaque humain, mais le but n’est certes pas atteint aujourd’hui avec un milliard de personnes sous alimentées, avec une population française nourrie avec plus de terres qu’elle n’en possède (si on ajoute les hectares de soja argentin et brésilien notamment), avec des paysans exclus de leurs terres, parfois pour nourrir nos animaux ou faire rouler nos voitures…

La discussion avançant, l’idée se précisa. La plupart des personnes qui travaillent dans l’agriculture biologique ont ou acquièrent une façon de réfléchir particulière, avec une approche plus globale et une analyse plus ciblée au cas par cas. Elles s’orientent souvent vers un mode de vie plus écologique, tendant notamment vers la notion de décroissance, ou le terme plus adapté de Pierre Rabhi, la sobriété heureuse.

Finalement, ce qui gênait vraiment ma collègue, c’était plus les « attaques » réelles ou ressenties à l’égard de l’agriculture conventionnelle. Les caricatures existent partout, mais je pense qu’utilisées par les personnes convaincues par l’intérêt de l’AB, elles peuvent desservir un discours plus posé, plus technique, plus argumenté, que ce soit dans une discussion, un écrit, un film…

C’est un phénomène similaire pour la notion de consommation responsable. Ainsi, une enquête de Ethicity (voir la rubrique « Brèves » de ce Biopresse) réalisée en février et mars 2010 sur 4373 personnes montre que, si les consommateurs restent majoritairement pour le développement durable (60%), ils expriment un ras le bol face à la communication du « tout durable » et demandent des preuves de qualité.

J’ai terminé la discussion avec ma collègue en lui suggérant que nous aurons les idées plus claires concernant les intérêts et les limites de l’agriculture biologique lorsque nous serons à 10 ou 20% de la SAU française, et que d’ici là nous avions intérêt à la laisser mener sereinement sa progression… ce en quoi elle n’était finalement pas opposée…

 

Sophie VALLEIX, Responsable d'ABioDoc

Numéro 155 – Avril 2010