La filière lait et le système canadien

De nombreux articles, dans la presse, traitent de la filière lait. Cette thématique est également présente dans plusieurs notices de ce numéro de Biopresse. En élevage conventionnel, ce sont la disparition annoncée des quotas et la crise du lait qui sont passées par là. Epargnés par les prix du lait catastrophiques qu’ont connu leurs homologues conventionnels, les agriculteurs biologiques ne sont cependant pas rassurés pour autant sur l’avenir. Les conversions dans ce domaine se sont développées ces deux dernières années, ce qui est une très bonne nouvelle, mais certaines laiteries préfèrent maintenant suspendre la prime à la conversion car elles ont déjà atteint leurs prévisions de développement pour les 3-4 ans à venir (réf. 153-100, p. 23 de ce Biopresse). Pour participer à la structuration de la filière lait, des producteurs bio d’Ille-et-Vilaine s’organisent pour rencontrer collectivement les collecteurs et transformateurs de lait bio. Par ce biais, ils souhaitent soutenir une stratégie de développement d’une gestion partenariale de la filière lait à l’échelle nationale (réf : 153-099, p. 19 de ce Biopresse). Par ailleurs, le mouvement de contractualisation, actuellement en cours, inquiète certains producteurs qui craignent que celui-ci ne s’apparente à de l’intégration et à un système pas forcément équitable pour les éleveurs (réf : 153-154, p. 20 de ce Biopresse).

Dans ce contexte, beaucoup regardent vers le Canada où, pendant la crise française, une rémunération de 457 € par tonne de lait était versée aux producteurs, avec un système de revenus stables et sans le concours de subventions (réf. 153-062, p. 36 de ce Biopresse). Quelle est donc cette organisation particulière ? Au Canada, les responsabilités sont partagées. Le Gouvernement fédéral définit la politique laitière, limite les importations de produits laitiers, fixe le quota global du lait en fonction de la demande intérieure et son partage entre chaque province. Il détermine aussi un prix objectif du lait, notamment sur la base d’enquêtes, sans référence au prix mondial. Les quotas individuels relèvent ensuite de chacune des provinces. Les prix à la production sont fixés également par province, après une négociation entre le syndicalisme agricole et les industriels, sur la base du prix objectif fédéral (réf. 153-152, p. 36 de ce Biopresse). Une comparaison, par un économiste québécois, de différents systèmes de régulation en vigueur dans les pays développés, montre que le système canadien semble plus intéressant pour le producteur, pour le consommateur et pour le citoyen que les systèmes plus libéraux (réf 153-151, p. 36 de ce Biopresse).

Aussi, que peut-on tirer de l’expérience canadienne pour notre contexte européen ? Dans un premier temps, il faut souligner l’organisation des producteurs, maillon important du système. Un article de février 2010 (réf 153-153, p. 21 de ce Biopresse) constate que les producteurs canadiens, réunis dans un syndicat unique, maîtrisent l’ensemble du système. Cependant, il faut aussi rappeler l’implication importante du Gouvernement, qui supervise et organise le système, qui arbitre les éventuels conflits et qui limite les importations. Ce dernier point est essentiel. Il est d’autant plus critique que le Canada, très protecteur sur sa filière laitière, prend parfois des positions nettement plus libérales sur d’autres filières. Ainsi, cette protection pourrait être remise en cause dans les futures négociations en cours à l’OMC. Quand donc le droit des peuples à se nourrir eux-mêmes passera avant d’autres considérations plus financières ? C’est pourtant encore un exemple où le peuple profite plus de ce point de vue que des systèmes plus libéraux économiquement…

Sophie VALLEIX, Responsable d'ABioDoc

Numéro 153 – Février 2010