Les filières bio face aux attentes de la société

Face au nombre important de conversions depuis 2009-2010, les filières bio ont anticipé les arrivées de nouveaux produits, avec parfois un peu de décalage comme dans la filière viande où les animaux à commercialiser sont moins nombreux que prévu. En effet, comme cela a été expliqué lors de la conférence de la Commission bio d’Interbev au Sommet de l’élevage début octobre, les conversions simultanées permettent de vendre le lait en bio sur le marché après 1,5 ans de conversion mais, pour la valorisation en bio de la viande, les animaux doivent avoir passé les ¾ de leur vie sous le mode de production bio, ce qui les exclut actuellement du marché bio. De plus, le marché de la viande se portant bien à l’échelle mondiale, les opérateurs conventionnels incitent parfois les nouveaux éleveurs bio à commercialiser leurs animaux dans la filière des labels plutôt qu’en bio…


Par ailleurs, pour répondre à la demande du marché, les opérateurs organisent aussi la distribution en jouant sur les complémentarités entre zones géographiques. Ainsi, pour les agneaux par exemple, la filière propose de juillet à décembre des agneaux qui proviennent du Nord de la France et, de janvier à juillet, des agneaux issus d’élevages rustiques du sud de la France. Ce type d’organisation n’est cependant pas à l’abri des aléas climatiques ou sanitaires, comme cela a été le cas pour les agneaux en 2007 avec la FCO.


Répondre aux attentes de la société ne consiste cependant pas seulement à répondre au marché. Jusqu’à présent, dans le domaine de la santé et de l’environnement, les produits issus de l’agriculture biologique ont une bonne image auprès des consommateurs. L’arrivée de l’affichage environnemental et des analyses de cycle de vie (ACV) pourrait cependant perturber la lecture de ces derniers. La journée portant sur les ACV, organisée par le RMT DevAB le 15 octobre, a été l’occasion de faire le point sur la question. La loi Grenelle 2 prévoyait un an d’expérimentation, notamment pour la collecte des données, pour aboutir si possible à la mise en place d’un affichage environnemental. Or, l’expérience montre que, avec les ACV, selon les critères mesurés (bilan carbone, eau, biodiversité, emploi…) et les objectifs choisis, il est possible d’aboutir à des conclusions diverses, pouvant peut-être même amener certains consommateurs à penser que des produits bio ne sont pas meilleurs pour l’environnement que d’autres produits du même type… D’où l’importance pour les acteurs de l’agriculture biologique d’être bien présents dans les réunions nationales consacrées à ce sujet, afin que l’agriculture biologique ne soit pas pénalisée par le choix des critères retenus pour l’affichage environnemental officiel. De plus, malgré les difficultés en agriculture bio pour
réunir les données nécessaires aux ACV, il semble important que les opérateurs ne fassent pas l’impasse sur ce sujet au risque d’être confrontés à une concurrence qui jouera dans la même cour qu’eux, celle du respect de l’environnement.


Un autre critère sera sans doute à considérer par les entreprises : il s’agit de la RSE, responsabilité sociétale (ou sociale) des entreprises, qui résulte de demandes de la société civile de mieux prendre en compte les aspects environnementaux ET sociaux (accidents, lutte contre les discriminations, engagements en matière de formation…) des activités des entreprises. Sur le premier point, nous l’avons dit, les produits bio sont plutôt bien placés. Néanmoins, l’aspect social n’est pas clairement identifié dans le cahier des charges européen, ni mesuré en bio. Un responsable de bureau d’étude me confiait la semaine dernière que, pour exporter du vin bio au Canada, le critère social deviendrait
prépondérant pour différencier des vins de différentes provenances, lorsque les critères de qualité, de prix et de respect de l’environnement seront identiques. Les entreprises bio vont donc également devoir s’emparer de cette problématique…


Sophie Valleix, Responsable d’ABioDoc

Numéro 182 - Octobre 2012