La gouvernance en question

Ce mot de gouvernance est devenu très à la mode ces derniers temps en France. J’ai demandé à des collègues quelle définition ils en donnaient et la réponse a été plutôt évasive… J’ai regardé dans mon encyclopédie Larousse de 1991 et le mot n’existe pas. J’ai interrogé Wikipédia et, bien que la réponse couvre 10 pages, la première phrase ne m’a pas étonnée : « Notion parfois controversée car définie et entendue de manière diverse et parfois contradictoire ».
Néanmoins, je retrouve ce que me semble recouvrir cette problématique à plusieurs échelles (régionale, nationale, européenne, mondiale) au sein du secteur de l’agriculture biologique. La question de fond est : qui prend les décisions ? Celui ou ceux qui prennent ces décisions sont-ils représentatifs ? L’éthique de l’agriculture biologique est-elle respectée ? Les décisions ne sont-elles pas prises ou ne risquent-elles d’être prises en fonction de critères uniquement économiques ou politiques, sans prise en compte des principes fondateurs de l’AB ?
En Auvergne, certains agriculteurs bio s’interrogent sur la place que les paysans bio pourront avoir dans l’avenir et comment leurs intérêts pourront être défendus, sachant que le contexte actuel amène des changements d’ordre économique (croissance de la bio), politique (nouvelle Pac, évolution des collectivités territoriales, Plan régional de développement de la bio…) et organisationnel (arrivée de nouveaux acteurs dans la bio ou augmentation forte de leur l’activité dans la bio). Ils s’interrogent ainsi sur le meilleur moyen de défendre leurs intérêts, leur garantir une indépendance, les appuyer techniquement, dynamiser les associations bio existantes et participer à l’organisation régionale de l’AB.
A l’échelle nationale, des réflexions sont menées dans ce sens, notamment sur la place des différents organismes intervenant en AB, et des dynamiques se mettent en place. Dans le cadre du RMT DevAB (Réseau mixte technologique sur le développement de l’AB), des réunions thématiques ont déjà eu lieu sur la veille et sur la formation, afin de mieux savoir ce que fait chacun, d’envisager des convergences et des synergies les uns avec les autres.
A l’échelle européenne, la gouvernance était également au coeur des réflexions qui ont eu lieu lors de l’Assemblée générale de l’AsAFI (IFOAM France), qui s’est tenue à Paris le 26 janvier. Le constat a été fait par les représentants de l’AsAFI à IFOAM Europe que la représentativité nationale des membres présents des autres pays était rarement assurée dans cette instance. Les représentants parlent en effet souvent au nom d’une seule structure, souvent économique (entreprise, organisme certificateur, gestionnaire de marque…). Si les membres de l’AsAFI se sont eux-mêmes, dans le passé, régulièrement interrogés sur le fonctionnement de leur association, ils se réjouissent aujourd’hui de la méthodologie adoptée pour gérer les alertes ou les points importants provenant de l’échelle européenne. Cette méthodologie, qui comporte des allers et retours par courriel avec les membres de l’AsAFI, avec des experts désignés par le groupe et souvent avec l’administration, des réunions, des traductions, des synthèses, permet de porter une voix française issue de la consultation de différentes composantes du secteur de l’agriculture biologique (producteurs, transformateurs, distributeurs, organisme certificateur, associations de développement ou interprofessionnelle et/ ou gestionnaires de marque, formation…). Par ailleurs, à l’échelle de IFOAM Europe, les paysans estiment qu’ils ont des difficultés à se faire entendre et à ce que leurs demandes soient prises en compte.
Ainsi, en ce début d’année, les équipes d’ABioDoc et du CETAB+ se joignent à moi pour vous souhaiter beaucoup de bonheur pour 2012 et la mise en place de gouvernances satisfaisantes à toutes les échelles et permettant efficacement et éthiquement le développement de l’agriculture biologique !


Sophie Valleix, Responsable d’ABioDoc

Numéro 174 - Janvier 2012