Manger de l’ananas bio

Lors du séminaire international de l’Agence Bio, qui a eu lieu, au SIA, le 23 février, Faustin Vomewor, paysan togolais, a exhorté la salle à consommer et acheter des ananas bio, ceux-ci représentant pour lui la garantie de pouvoir nourrir et soigner sa famille et envoyer ses enfants à l’école. Avec charisme et conviction, ce paysan, qui a sorti son village de la misère en développant la culture d’ananas bio destinés à l’exportation, bouscule certaines de nos convictions.
Consommer un fruit exotique qui doit voyager sur de longues distances ne nous semble pas forcément la meilleure voie pour limiter le réchauffement climatique et favoriser une bonne répartition des richesses entre les peuples. Bien que, dans le cas de Faustin Vomewor et de son village, 80% de la production soit composée de cultures vivrières, il vaudrait sans doute mieux que les ananas bio soient consommés par la population togolaise, notamment dans les villes. Cependant, cette population a-t-elle les moyens de payer ces fruits au même prix que l’exportateur ?

François Thiery, agriculteur bio et président de l’Agence Bio, s’est déclaré, en ouverture du séminaire, préoccupé par les échanges déséquilibrés qui existent entre les pays en développement et les pays occidentaux. Trop d’aliments sont importés dans les pays riches et c’est aussi valable pour les produits biologiques. Notons tout de même que l’adoption des techniques culturales biologiques et l’absence de pesticides qui en découle évitent les problèmes de santé fréquemment rencontrés dans les pays pauvres où les règles de sécurité sont moins respectées qu’en Europe.

Marc Dufumier, enseignant-chercheur, a proposé une solution provisoire à ce dilemme : la mise en place de cultures de rente biologiques bien payées (palmiers dattiers, ananas, oliviers…) mais en association (agroforesterie, rotation…) avec des céréales et des cultures fourragères, ces dernières étant consommées sur place, solution très intéressante d’un point de vue agronomique. Donc, d’accord pour manger dattes et ananas biologiques, mais sans perdre de vue la nécessité, dans un avenir pas trop lointain, d’assurer des échanges plus équilibrés à l’échelle mondiale, particulièrement dans le domaine alimentaire. L’agriculture biologique ne pourrait-elle pas être un levain d’idées et d’expériences également dans ce domaine ?

Sophie VALLEIX, Responsable d’ABioDoc

Numéro 164 – Février 2011