Métamorphose

Le monde de la bio a bougé ces dernières années. Suite au Grenelle de l’environnement et au Plan de développement qui a suivi, l’agriculture biologique est sortie de sa marginalité pour trouver une notoriété. La petite niche dans laquelle certains voulaient la confiner est devenue une maisonnette et pourrait un jour devenir un palace. Les sceptiques de la bio n’ont qu’à regarder certains départements comme la Drôme ou certains pays comme l’Autriche pour comprendre que l’agriculture bio a un fort potentiel de développement sans que cela n’entraîne les catastrophes parfois annoncées, sanitaires ou économiques. Néanmoins, le premier flot important de conversions de ces dernières années va arriver au mois de mai, et un deuxième flot arrivera en mai 2013. L’impact sur le marché reste une inconnue. Si les acteurs « historiques » de la bio ont bien géré les conversions, et notamment les entreprises impliquées depuis plusieurs années dans les produits bio, certains acteurs ont flairé une bonne opportunité et se sont engouffrés dans le secteur bio, sans forcément prendre en compte les réalités du marché et l’évaluation du besoin de production au regard de la consommation actuelle.
Cependant, les bouleversements ne touchent pas seulement les entreprises. La majorité des acteurs de la bio s’interrogent quant à leur place dans ce nouvel ordre où progresse l’agriculture bio. Dans les départements et les régions, les producteurs biologiques et les acteurs de développement spécialisés en bio ont parfois des difficultés à maintenir la place qu’ils occupaient précédemment, tant par rapport à leurs activités qu’au financement de celles-ci. Les changements qui interviennent dans la gouvernance de l’agriculture bio ne se font pas toujours sans heurts. A l’échelle nationale, il semble qu’un certain consensus soit apparu au sein de la majorité des acteurs « historiques » de l’agriculture biologique, visant, dans ce monde en mouvance, à se « serrer les coudes » afin de maintenir vivaces les principes de l’agriculture biologique, d’accompagner son développement dans les meilleures conditions et de redéfinir les rôles des uns et des autres afin de répondre aux nouvelles exigences et aux nouveaux besoins nés des évolutions en cours. Dans ce contexte, beaucoup de choses sont à inventer, en termes d’organisation, de relations entre les structures, etc. Après avoir été perçu comme un levain d’idées en matière technique et économique, le secteur de la bio peut-il être un levain d’idées en termes d’organisation et de gouvernance ?
Lors d’un repas partagé sur le stand de l’Agence Bio, au Salon de l’Agriculture, Philippe Desbrosses nous a demandé si nous connaissions les cellules imaginales… Ce n’était pas le cas. Il nous a alors expliqué que ces cellules sont celles qui amènent la mutation de la chenille en papillon. Les premières cellules imaginales sont détruites par le système immunitaire de la chenille. Au fil du temps, elles deviennent plus nombreuses et finissent par entraîner la métamorphose de la chenille en papillon. L’analogie peut-elle être faite avec les personnes qui défendent une vision alternative du monde, dont les acteurs de la bio, et qui pourraient permettre d’impulser un changement profond de notre société… Jolie pensée en ce début de printemps !


Sophie Valleix, Responsable d’ABioDoc

Numéro 176 - Mars 2012