La poule aux œufs d’or bio

En 2009, le nombre d’œufs bio produits en France a connu une croissance de 20%, comme l’a indiqué Pascale Magdelaine (Itavi) lors des conférences consacrées aux volailles au cours du Salon Tech & Bio élevage qui s’est tenu les 23 et 24 juin dans le Maine et Loire. La consommation a heureusement augmenté dans les mêmes proportions. Les premiers chiffres de la production sur 2010 ne sont pas connus mais les spécialistes ne voient pas de signes de ralentissement. Si l’augmentation de la production d’œufs biologiques est satisfaisante, elle suscite cependant des inquiétudes chez les professionnels du secteur. L’une d’elles vient de la nouvelle interprétation du lien au sol dans la réglementation européenne. Depuis 2000 et l’homologation française du cahier des charges des animaux dans le CC-REPAB F, l’obligation pour l’éleveur de produire une partie de l’alimentation de son troupeau avait certes entrainé une stagnation de la production, mais avait aussi permis une adéquation entre cette dernière, la consommation et les matières premières nécessaires à l’alimentation des poules.

Concernant la consommation, il est évident que l’augmentation de la disponibilité va favoriser la consommation, comme cela a été le cas en 2009, mais jusqu’où… L’augmentation des volumes peut aussi permettre de livrer de nouveaux clients, jusque là limités par l’importance des quantités nécessaires (restauration collective notamment), mais à quels prix ? Concernant les matières premières, les opérateurs sont inquiets, car les conversions ou les installations de poulaillers bio sont plus rapides, et même plus nombreuses que les conversions de céréaliers. L’alimentation des poules doit provenir pour 50% de la région. Or, les poulaillers bio sont principalement présents dans l’Ouest, où se trouvent aussi les abattoirs, les usines d’aliments… et les conversions de grandes cultures plus dans les régions céréalières, notamment dans le Centre. Faut-il assouplir la notion de région ou rééquilibrer les zones de production, pour éviter les écueils de l’agriculture conventionnelle ?

Si les entreprises traditionnelles de l’agriculture biologique sont conscientes de cette situation et s’efforcent de respecter les contraintes de l’approvisionnement en local, ils ont cependant parfois le sentiment que ce n’est pas le cas des nouveaux opérateurs. Et la question de fond revient sur : quelle agriculture biologique voulons-nous ? Les sociétés traditionnellement impliquées dans la filière biologique s’inquiètent de la concurrence de ces nouveaux opérateurs, à la fois français mais également étrangers, qui appliquent les règles différemment et peuvent « casser » les prix. Parmi ces règles, figure l’approvisionnement en matières premières. En effet, les opérateurs traditionnels privilégient d’abord la provenance française quand certains opérateurs, notamment néerlandais (selon les opérateurs français), s’approvisionnent pour une large part en Europe de l’Est où le niveau de vie et les prix sont plus bas. Ils utilisent aussi des bâtiments à trois étages, ce qui permet de respecter les surfaces minimales par animal tout en augmentant la concentration dans le bâtiment et donc en diminuant les coûts. Les parcours, au lieu d’être herbeux, seraient également parfois cultivés en céréales.

A l’inverse, certains souhaitent proposer aux volailles un parcours agréable, composé d’herbe et parsemé d’arbres, ces derniers rassurant les animaux et leur fournissant des abris et de l’ombre, voire des perchoirs lorsque ce sont de jeunes plantations. Une recherche sur la thématique, intitulée AlterAviBio, tente de quantifier l’intérêt de cette présence d’arbres et d’étudier la meilleure disposition possible.

Sophie VALLEIX, Responsable d'ABioDoc

Numéro 157 – Juin 2010