Quelle place pour le bio dans la politique agroalimentaire du Québec ?

Le gouvernement du Québec dévoilait récemment sa très attendue politique agroalimentaire, intitulée « Politique de souveraineté alimentaire ». Le document de 48 pages a un ton très ambitieux et promet de marquer « les débuts d'une nouvelle ère » et, entre autres, de porter à 50% la part des aliments achetés par les Québécois qui proviennent du Québec. Bien que le développement durable soit un des quatre axes identifiés dans la politique, on n'y trouve aucun engagement formel envers le mode de production biologique, pourtant reconnu comme un contributeur significatif au développement durable dans une étude du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, en 2011. Des liens peuvent tout de même être faits entre le secteur biologique et plusieurs objectifs et enjeux évoqués dans la politique.

La politique reconnaît que les progrès doivent se poursuivre dans « l'utilisation rationnelle des fertilisants et des pesticides » (p. 39). La recherche faite en agriculture biologique sur les techniques de répression des ravageurs et de désherbage mécanique, par exemple, contribue à l'atteinte de ces objectifs et mérite d'être soutenue.

Le document évoque le fait que certains consommateurs choisissent leurs aliments en fonction du mode de production et autres critères éthiques : « Les initiatives visant à faire connaître et reconnaître ces caractéristiques doivent donc être plus nombreuses et permettre aux aliments du Québec de se démarquer encore davantage », peut-on lire en page 25. Le secteur biologique aurait effectivement avantage à faire mieux connaître les attributs des aliments biologiques auprès des consommateurs. Par ailleurs, le gouvernement reconnait que les gens sont soucieux de savoir ce qu'ils mettent dans leur assiette et voudrait « mieux renseigner et informer les Québécois de manière qu'ils puissent faire des choix de consommation éclairés » (p. 27). Voilà peut-être une porte ouverte pour l'étiquetage obligatoire des OGM, réclamé depuis longtemps par une majorité de Québécois.

Le gouvernement entend participer au développement durable « en favorisant l'approvisionnement responsable dans les institutions publiques ». Si la qualité des aliments biologiques pour la santé des consommateurs et de l’environnement était mieux reconnue, ils auraient une chance d'être privilégiés. Chose certaine, l'engouement pour l'achat québécois est bien présent. Le nouveau logo « Aliments du Québec Bio » est sans doute un bon moyen de promouvoir le produit biologique québécois, car le logo « Aliments du Québec » est déjà le logo alimentaire le plus reconnu au Québec. Il serait souhaitable que le financement d'Aliments du Québec soit bonifié à la hauteur de son équivalent ontarien. Ceci serait un des moyens concrets de stimuler la demande des consommateurs pour les produits québécois, incluant les aliments bio.

La politique promet également des modifications à la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, « dans la perspective de laisser plus de place à une diversité des modèles d'entreprises agricoles. » (p. 32) Ceci pourra peut-être permettre, par exemple, le morcellement des terres trop grandes pour convenir à des petites entreprises de production maraîchère diversifiée; une problématique bien connue des maraîchers biologiques.

L'agriculture biologique peut apporter une contribution appréciable à plusieurs objectifs de la politique. La croissance de la consommation de produits biologiques démontre que ce secteur présente un potentiel économique fort intéressant. Toutefois, dans plusieurs secteurs, la croissance de la production biologique ne suffit pas à combler cette consommation, de sorte qu'une forte proportion des produits biologiques est importée. Considérant la durabilité prouvée du secteur bio et puisque le gouvernement a comme objectif d'accroître l’achat québécois, on peut penser à un avenir prometteur du bio québécois. Pour que cela se réalise, les gens du secteur et les consommateurs engagés devront faire valoir les mérites de l’agriculture bio auprès des décideurs gouvernementaux. Ceci s’avère nécessaire pour espérer le soutien nécessaire au secteur agroalimentaire biologique du Québec, afin de l'aider à saisir cette opportunité croissante qu'est l'engouement du consommateur pour un produit sain, écologique, sans OGM et sans pesticides.

Geoffroy Ménard,
agroéconomiste Responsable de la veille technologique au CETAB+

Numéro 191 – Juillet / Août 2013