Sobriété, frugalité

Les lecteurs assidus du Biopresse auront constaté que les références liées à l’économie, mais surtout à l’économie alternative et à la nécessité de frugalité, sont en augmentation… La crise est passée par là, mais le Grenelle de l’environnement avait déjà ouvert les esprits. En effet, on peut lire de plus en plus l’évidence qu’une croissance continue sur une planète limitée n’est pas durable, voire suicidaire…. Ce qui change, c’est que ce discours n’est plus l’apanage des écologistes ou de quelques personnes considérées comme des doux rêveurs, mais qu’il revient dans la bouche de décideurs ou de conseillers d’entreprise , comme Marc Halévy (notice 169-054,  page 30 de ce Biopresse).

Néanmoins, sortir du dogme de la « croissance » n’est pas si évident. D’abord parce que le fonctionnement de l’économie repose sur cette croissance : des entreprises innovantes qui incitent à grand coup de publicité les consommateurs à acheter leurs produits, quitte à fabriquer des appareils conçus pour ne pas durer ou à inciter les gens à détruire leurs anciens produits, encore parfaitement opérationnels, pour en acheter de nouveaux. Des consommateurs habitués à changer et à toujours acheter la dernière nouveauté, souvent signe de succès, à leurs yeux, auprès de leurs concitoyens. Bien-sûr, me direz-vous, moi je ne rentre pas dans ce jeu… Mais est-ce si facile de
développer la sobriété, à son niveau ou à celui de l’ensemble de la société ?

Renoncer à trop consommer, c’est se mettre en partie en retrait de l’ensemble de la société. Et jusqu’où irons-nous ? Devons-nous nous éclairer à la bougie, mettre au rebut notre ordinateur et notre connexion Internet (difficile à imaginer de nos jours), rouler en carriole à cheval (quoique… mais non !) ? La réponse est non car, comme l’indique Marc Halévy, s’il nous faut renoncer à la croissance matérielle, il nous faut par contre développer la croissance immatérielle. Cette croissance immatérielle consiste à inventer de nouvelles techniques et technologies avec peu ou pas d’impact sur l’environnement, favoriser la durée des produits et leur recyclage, et surtout inventer de nouvelles façons de vivre ensemble, à l’échelle locale comme à l’échelle planétaire, afin d’arriver à un meilleur partage des biens existants et utilisables, mais aussi afin de parvenir à plus de bonheur partagé (et oui, j’ose employer ce mot !). C’est aussi ce qu’entend Pierre Rahbi avec sa « sobriété heureuse »…

Reste à mettre tout cela en musique et ce n’est pas évident. Les personnes sensibilisées à ces thématiques, dans notre monde occidental, connaissent la difficulté à mettre en pratique des comportements alternatifs. Le contexte général est rarement favorable : déplacements encore beaucoup conçus sur l’utilisation de la voiture
individuelle, accès parfois compliqué aux produits alternatifs, rythme de vie qui ne permet pas toujours de réfléchir ou d’agir au mieux…. Les études se contredisent parfois sur les gestes « bons pour la planète et la solidarité », la situation étant forcément complexe…

Malgré tout, des constantes reviennent, telles que l’intérêt de la production agricole de proximité, y compris en partie individualisée (l’agriculture urbaine est de plus en plus citée, sur le toit des grattes ciels ou dans les bidonvilles) ; telles que les techniques de l’agriculture biologique, qui sont plébiscitées par de plus en plus de personnes ; le co-voiturage ou la copropriété de véhicules ; l’échange ou le don de matériel, de graines, d’hébergement… et l’idée générale de frugalité et de satisfaction de ce que nous possédons, y compris l’entourage humain et la nature…Tant reste à imaginer et à inventer, de quoi réfléchir pendant cette période de congés où l’on peut enfin disposer d’un peu de temps et de tranquillité d’esprit…

Sophie VALLEIX, Responsable d’ABioDoc

Numéro 169 – Juillet / Août 2011